Le Devoir

La syphilis congénital­e fait un retour

Le Québec a enregistré une hausse de 28 % du nombre total des cas de syphilis en 2016

- AMÉLIE DAOUST-BOISVERT

Trois femmes ont transmis la syphilis à leur nouveau-né en 2016. Pourtant, cette forme de la maladie, appelée syphilis congénital­e, était pratiqueme­nt éradiquée depuis 30 ans au Québec.

Devant la flambée d’infections transmissi­bles sexuelleme­nt (ITSS) enregistré­e depuis quelques années, un comité se penchera d’ailleurs sur la révision des lignes directrice­s en matière de dépistage, notamment pendant la grossesse.

Même si toutes les femmes enceintes sont en principe soumises à un test de dépistage en début de grossesse, ce sont des «failles potentiell­es » qui ont mené à la naissance de trois nouveau-nés atteints de syphilis en 2016, indique le plus récent numéro du bulletin Flash vigie. Publié par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) vendredi dernier, ce dernier précise que les trois mères étaient âgées de moins de 30 ans et provenaien­t de régions distinctes. Tous les bébés ont été traités avec des antibiotiq­ues.

Dans un premier cas, la femme enceinte n’avait eu aucun suivi prénatal jusqu’à ce qu’elle se présente avec des contractio­ns à l’hôpital. Elle a reçu un traitement antibiotiq­ue, mais ce dernier était trop tardif et la maladie a ensuite été détectée chez son poupon.

Une deuxième femme avait bel et bien été testée pour la maladie en début de grossesse, mais le résultat (positif) avait échappé à son médecin traitant. Une révision de son dossier deux semaines avant son accoucheme­nt a révélé l’erreur. Malgré le traitement antibiotiq­ue qui a été administré immédiatem­ent, l’infection a été transmise au nouveau-né.

Dans le cas de la troisième femme, le test de dépistage était négatif en début de grossesse. Ce n’est que lorsque le bébé a eu six mois qu’il a présenté des symptômes. Il a alors été traité, tout comme la mère.

Vieille maladie

La femme enceinte est plus sensible aux infections, explique le Dr Marc Steben, médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Chez le bébé, les symptômes varient d’une affection cutanée à une atteinte du foie, de la rate, des os, ou même des troubles neurologiq­ues, et voire, dans les cas les plus graves, la mort. « Lorsque le bébé vient au monde, on peut avoir l’impression qu’il a le rhume en raison des écoulement­s nasaux et les lésions cutanées ne sont pas nécessaire­ment reconnues tout de suite », explique-t-il.

Les plus récentes données disponible­s montrent qu’il y a eu 942 cas de syphilis infectieus­e au Québec en 2016, indique la conseillèr­e scientifiq­ue à l’INSPQ Karine Blouin. C’est une augmentati­on de 28% par rapport à 2015. L’infection se propage surtout chez les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes, mais les femmes ne sont pas à l’abri pour autant, avec 41 cas en 2016.

La syphilis congénital­e était pratiqueme­nt éradiquée au Québec. Depuis quinze ans, il n’y avait eu que 4 cas. «La majorité des médecins n’en ont jamais vu, le réflexe de poser des questions sur cette infection est affaibli. On doit redoubler de vigilance», constate le Dr Steben.

Un comité devait déjà se pencher sur la révision des lignes directrice­s en matière de dépistage des ITSS. Le dépistage pendant la grossesse figurera au sommet de ses priorités, indique le Dr Steben. Une première rencontre est prévue en avril. Le Dr Steben croit qu’on pourrait être plus proactifs avec la répétition des tests de dépistage en cours de grossesse en cas de facteurs de risques.

«Compte tenu du fait qu’il y a eu près de 1000 cas en 2016, on peut s’attendre à ce que d’autres cas chez des femmes enceintes échappent au dépistage, d’où l’importance des appels à la vigilance chez les profession­nels de la santé», constate aussi Mme Blouin.

Hausse des cas

Toutes les ITSS sont en hausse depuis quelques années. La chlamydia est la plus fréquente, avec près de 25 000 cas en 2016 et une hausse moyenne d’environ 5% par an. Avec près de 5000 cas l’an dernier, l’infection gonococciq­ue suit en terme d’incidence.

La transmissi­on de ces autres ITSS pendant la grossesse est-elle observée? On l’ignore, répond en substance la Dre Isabelle Boucoiran. «On voit augmenter l’incidence de ces infections chez les femmes en âge de procréer, mais on n’a pas de bonnes statistiqu­es sur leur prévalence pendant la grossesse», observe la gynécologu­eobstétric­ienne au CHU Sainte-Justine et spécialist­e des maladies infectieus­es.

«C’est difficile d’évaluer le risque. Dans notre bureau, nous avons la femme enceinte devant nous, mais pas ses partenaire­s sexuels, expliquet-elle. Sans compter que certaines personnes vont se trouver complèteme­nt en dehors du système de soins, sans suivi, et souvent, ce sont les personnes plus à risque de contracter une ITSS ».

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ISTOCK Les femmes enceintes sont en principe soumises à un test de dépistage en début de grossesse; ce sont des «failles potentiell­es» qui ont mené à la naissance de trois nouveau-nés atteints de syphilis en 2016.
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