Le Devoir

Les langues se délient à Mont-Saint-Hilaire

Une autre femme se plaint du service déficient offert par la police

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

Une troisième femme vivant sur le territoire desservi par la Régie intermunic­ipale de police Richelieu–Saint-Laurent dénonce le travail de ses policiers: une semaine et demie après le meurtre de Daphné Boudreault, assassinée par son ex-conjoint, Karine* affirme que les agents du secteur ne l’ont pas soutenue adéquateme­nt, tant et si bien qu’elle s’est résignée à retourner chez son ancien copain sans escorte policière pour y récupérer ses affaires.

En entrevue au Devoir, la jeune femme, dont nous protégeons l’identité à sa demande, a été catégoriqu­e : «C’est fou comme les policiers ne prennent pas ça au sérieux. Ça ne vaut rien pour eux. Elle, je n’imagine même pas comment elle s’est sentie…», a-t-elle dit au sujet de Daphné Boudreault, assassinée à l’arme blanche le 22 mars en allant récupérer ses affaires chez celui qu’elle avait dénoncé à la police quelques heures plus tôt.

En septembre, Karine a dénoncé son conjoint violent à la police après qu’il l’eut brutalisée et menacée avec un pistolet à air comprimé. L’homme a dû signer une promesse de comparaîtr­e et s’engager à ne pas entrer en contact avec Karine et sa famille.

Puis, quand la jeune femme a voulu aller récupérer ses affaires chez son ex-conjoint, les choses se sont compliquée­s.

«Ils m’ont dit qu’on ne pouvait pas y aller s’il n’était pas là, que ce serait une entrée par effraction », a rapporté Karine. La solution des policiers : « passez devant la maison et quand il [l’exconjoint] sera là, appelez-nous et on ira», a rapporté la mère de la jeune femme.

Des rondes devant la maison d’un exconjoint ? « La pratique policière, c’est de prendre rendez-vous avec les gens et de les escorter au moment où ils veulent aller prendre leurs affaires, pas de faire des rondes», a assuré l’inspecteur­chef Yanic Parent, de la Régie intermunic­ipale de police Richelieu–Saint-Laurent, en entrevue avec Le Devoir.

Mais Karine et sa famille maintienne­nt leur version. Ils ont bel et bien fait des rondes, assurent-ils. Et après quatre jours, ils en ont eu assez. «Mon chum a dit à ma fille: là on s’en va chercher ton stock », a rapporté la mère de Karine. L’homme et la jeune femme sont entrés dans l’appartemen­t par une porte qui était restée déverrouil­lée. Ils n’ont pas avisé les policiers.

«Traumatisé­e»

Des mois plus tard, en entendant l’histoire de Daphné Boudreault, Karine et sa famille ont compris qu’ils avaient couru un risque. Mais ils ont surtout été extrêmemen­t fâchés. «Je suis traumatisé­e, je n’en reviens pas de cette histoirelà. J’en ai été pour trois jours à avoir du mal à dormir », a rapporté Karine.

Malgré le cas de Daphné Boudreault, qui aurait été accompagné­e par une seule policière au moment d’aller récupérer ses affaires, malgré la sortie publique d’une femme qui a déclaré, vendredi, que les policiers de Richelieu–SaintLaure­nt n’ont fait aucun suivi de sa plainte pour harcèlemen­t criminel, Yanic Parent a martelé lundi que «la victime est toujours au centre de nos actions ».

«Ce sont toujours deux policiers qui vont se rendre sur place et qui vont escorter la personne pour aller récupérer ses biens », a-t-il ajouté. La pratique, a-t-il assuré, est bien connue des policiers de son service, qui la mettent «systématiq­uement» en applicatio­n.

Pourtant, avant que l’appel du Devoir ne soit transféré à Yanic Parent, un porte-parole de la police de Richelieu–Saint-Laurent a peiné à expliquer le protocole que doivent suivre les policiers dans les cas de violence conjugale. « Je ne sais pas si c’est ce qui est inscrit dans la directive. Ça se fait pratiqueme­nt toujours à deux », a-t-il dit au sujet de l’accompagne­ment des victimes.

Selon Karine, il n’a jamais été question «ni d’un, ni de deux policiers». Pas plus qu’il n’a été convenu que la famille et les policiers se rejoignent au poste de police — et non à l’appartemen­t de l’ex-conjoint —, comme c’est souvent le cas dans les situations de violence conjugale.

Formation continue

Selon Manon Monastesse, de la Fédération des maisons d’hébergemen­t pour femmes, la réussite des interventi­ons policières réside en grande partie dans la formation des agents, afin qu’ils puissent détecter les cas de violence conjugale et appliquer les bonnes pratiques qui s’y rattachent. «On peut bien former les policiers, mais comme dans tout domaine, ça prend de la formation continue et un accompagne­ment des jeunes policiers», a-t-elle plaidé.

Les policiers de Richelieu-Saint-Laurent remettront-ils leurs pratiques à jour, à la lumière des événements récents ? À cette question, Yanic Pinel a répondu avec une autre. «Est-ce qu’il y aura des ajouts, des modificati­ons dans l’avenir? Pour l’instant, ce n’est pas déterminé », a-t-il dit.

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