Les métadonnées, ennemies de la confidentialité
Les métadonnées qui sont laissées derrière chaque communication téléphonique et chaque visite en ligne sont si révélatrices qu’elles pourraient empêcher les journalistes de promettre la confidentialité à leurs sources, a dit le professeur en criminologie à l’Université de Montréal Benoît Dupont devant la commission Chamberland.
M. Dupont a donné l’exemple d’une polémique qui s’est déroulée en Australie l’année dernière, alors que l’analyse de métadonnées avait permis au service policier de contourner la protection des sources. « La police australienne a dit: “On reconnaît que vous avez un code d’éthique, mais ce n’est plus très important, avec les métadonnées on peut très bien identifier vos sources.” »
Ce qui a fait croire au professeur Dupont, aussi de la Chaire de recherche du Canada en cybersécurité, que les médias australiens «ne se sentent plus la liberté d’offrir la confidentialité totale » à leurs sources. Même si des techniques «de l’époque du Watergate» peuvent être utilisées, «il y a toujours un premier contact, et il est extrêmement exposé à une analyse rétroactive, qui peut être faite de manière assez aisée. Est-il encore possible techniquement de garantir [la protection] ? C’est impossible à promettre ».
Les métadonnées sont des traces numériques laissées par les utilisateurs d’appareils connectés. Ces informations, a expliqué M. Dupont, permettent aux communications d’être plus «fluides», mais sont si nombreuses et précises qu’elles peuvent être plus révélatrices que le contenu même des discussions. «On comprend très bien l’intérêt des services de renseignements », a dit M. Dupont.
Il existe même des technologies qui permettent d’intercepter les métadonnées qui voyagent entre un appareil cellulaire et les antennes des entreprises de télécommunication, a mentionné le professeur Dupont, citant en exemple un reportage récent de Radio-Canada, qui avait détecté la présence de ce type d’appareils près du Parlement du Canada et de l’édifice Langevin, qui héberge le bureau du premier ministre.
Selon Benoît Dupont, l’utilisation des métadonnées comme méthode d’enquête n’est pas sans risque. Le professeur estime qu'« on instaure un régime de suspicion automatisé, qui est corrosif parce que secret». Il note aussi que la fiabilité des données peut être remise en doute, et que leur quantité rend leur exploitation difficile. L’enjeu des métadonnées,
Transparence
selon lui, «mérite un débat public et éclairé ».
La Commission d’enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques a aussi entendu Me Patricia Kosseim, avocate générale principale au Commissariat à la vie privée du Canada.
Me Kosseim a invité les fournisseurs de service Internet à être « transparents » avec leurs clients, en dressant un rapport annuel livrant un portrait statistique des demandes reçues quant à l’accès à ces données.
La Commission a aussi fait savoir qu’elle entendra vendredi une première requête concernant l’audition d’un témoignage à huis clos de la part du Service de police de la Ville de Montréal.
Les métadonnées sont des traces numériques laissées par les utilisateurs d’appareils connectés