Le Devoir

Les métadonnée­s, ennemies de la confidenti­alité

- PHILIPPE PAPINEAU Avec La Presse canadienne Le Devoir

Les métadonnée­s qui sont laissées derrière chaque communicat­ion téléphoniq­ue et chaque visite en ligne sont si révélatric­es qu’elles pourraient empêcher les journalist­es de promettre la confidenti­alité à leurs sources, a dit le professeur en criminolog­ie à l’Université de Montréal Benoît Dupont devant la commission Chamberlan­d.

M. Dupont a donné l’exemple d’une polémique qui s’est déroulée en Australie l’année dernière, alors que l’analyse de métadonnée­s avait permis au service policier de contourner la protection des sources. « La police australien­ne a dit: “On reconnaît que vous avez un code d’éthique, mais ce n’est plus très important, avec les métadonnée­s on peut très bien identifier vos sources.” »

Ce qui a fait croire au professeur Dupont, aussi de la Chaire de recherche du Canada en cybersécur­ité, que les médias australien­s «ne se sentent plus la liberté d’offrir la confidenti­alité totale » à leurs sources. Même si des techniques «de l’époque du Watergate» peuvent être utilisées, «il y a toujours un premier contact, et il est extrêmemen­t exposé à une analyse rétroactiv­e, qui peut être faite de manière assez aisée. Est-il encore possible techniquem­ent de garantir [la protection] ? C’est impossible à promettre ».

Les métadonnée­s sont des traces numériques laissées par les utilisateu­rs d’appareils connectés. Ces informatio­ns, a expliqué M. Dupont, permettent aux communicat­ions d’être plus «fluides», mais sont si nombreuses et précises qu’elles peuvent être plus révélatric­es que le contenu même des discussion­s. «On comprend très bien l’intérêt des services de renseignem­ents », a dit M. Dupont.

Il existe même des technologi­es qui permettent d’intercepte­r les métadonnée­s qui voyagent entre un appareil cellulaire et les antennes des entreprise­s de télécommun­ication, a mentionné le professeur Dupont, citant en exemple un reportage récent de Radio-Canada, qui avait détecté la présence de ce type d’appareils près du Parlement du Canada et de l’édifice Langevin, qui héberge le bureau du premier ministre.

Selon Benoît Dupont, l’utilisatio­n des métadonnée­s comme méthode d’enquête n’est pas sans risque. Le professeur estime qu'« on instaure un régime de suspicion automatisé, qui est corrosif parce que secret». Il note aussi que la fiabilité des données peut être remise en doute, et que leur quantité rend leur exploitati­on difficile. L’enjeu des métadonnée­s,

Transparen­ce

selon lui, «mérite un débat public et éclairé ».

La Commission d’enquête sur la protection de la confidenti­alité des sources journalist­iques a aussi entendu Me Patricia Kosseim, avocate générale principale au Commissari­at à la vie privée du Canada.

Me Kosseim a invité les fournisseu­rs de service Internet à être « transparen­ts » avec leurs clients, en dressant un rapport annuel livrant un portrait statistiqu­e des demandes reçues quant à l’accès à ces données.

La Commission a aussi fait savoir qu’elle entendra vendredi une première requête concernant l’audition d’un témoignage à huis clos de la part du Service de police de la Ville de Montréal.

Les métadonnée­s sont des traces numériques laissées par les utilisateu­rs d’appareils connectés

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