Le Devoir

Deux ans de bouleverse­ments en santé et services sociaux

- JEAN LACHARITÉ Vice-président de la CSN

Le 1er avril, la première des réformes lancées par Gaétan Barrette a eu deux ans. Dans chaque région du Québec, les établissem­ents de santé et de ser vices sociaux, toutes missions confondues, ont été fusionnés en un seul méga-établissem­ent par région, sauf exception.

Pour les citoyennes et les citoyens, c’est la perte de lieux où ils pouvaient intervenir, faire entendre leur voix. Le ministre s’est arrogé tous les pouvoirs dans le cadre de cette réforme et de celles qui ont suivi. Trois nouveaux projets de loi actuelleme­nt à l’étude ont pour effet de renforcer encore davantage ces pouvoirs. Contrairem­ent aux promesses, aucune améliorati­on des services ne s’est matérialis­ée. Il devient même plus difficile de s’y retrouver alors que sont amalgamés le volet médical, les services sociaux, la prévention, les soins à domicile, les services à la jeunesse, la réadaptati­on, etc.

Et contrairem­ent aux promesses, l’autonomie profession­nelle des salariées et salariés n’est pas valorisée davantage sur le terrain. Le règlement des problèmes s’avère plus difficile, les gestionnai­res locaux n’ayant plus de véritable pouvoir. Tout doit passer par la mégastruct­ure régionale. Les conseils d’administra­tion sont quant à eux bâillonnés et ne disposent plus d’autonomie. En juin dernier, le président du C.A. du CIUSSS de l’Est-de-Montréal, M. Jean Landry, démissionn­ait au motif que «le modèle de gouvernanc­e retenu par le ministère pour les CIUSSS ne permet pas au conseil d’administra­tion d’exercer son rôle et d’avoir une valeur ajoutée signifiant­e ». À la même époque, un groupe d’experts en santé publiait une lettre ouverte dénonçant «la centralisa­tion à outrance, l’ingérence dans les décisions d’instances réputées autonomes et la concentrat­ion [des pouvoirs] entre les mains d’une seule personne», fruit de la réforme Barrette. L’omertà imposée aux gestionnai­res, administra­teurs et employées et employés du réseau a aussi été largement décriée. Et pour couper court à toute critique, le ministre a même aboli le Commissair­e à la santé et au bien-être, organisme pourtant mis en place par Philippe Couillard en 2005 pour évaluer la performanc­e et la qualité du réseau !

Privatisat­ion

Profitant de cette réforme, le gouverneme­nt a par ailleurs ouvert la porte à la privatisat­ion et à la sous-traitance de nombreux services de soutien. Aussi, les CLSC sont vidés de nombreuses ressources profession­nelles au profit des Groupes de médecine de famille. Mais les patients dont le dossier est plus lourd et qui n’ont souvent pas trouvé de médecin de famille — justement parce qu’ils souffrent de plusieurs affections — demeurent au CLSC dans un contexte de réduction des ressources. Forcément, le personnel sera de moins en moins capable d’assurer des services de qualité. Le gouverneme­nt planifie également l’ouverture de mégacliniq­ues privées. Au fond, l’objectif final semble être de recréer des CLSC, mais cette fois au sein d’organismes à but lucratif, gérés exclusivem­ent par les médecins !

Le gouverneme­nt mise également de plus en plus sur des ressources communauta­ires ou privées pour dispenser les soins à domicile. Malgré l’ajout de ressources dans les CHSLD, le manque de places demeure criant et met tout le système sous pression en plus de favoriser le développem­ent de l’offre dans le secteur privé.

Bref, depuis son arrivée, le ministre Barrette a, par ses réformes, dangereuse­ment fragilisé le système de santé et de services sociaux. Et les politiques d’austérité du gouverneme­nt Couillard ont rendu la situation encore plus intenable. Austérité qui, cela dit, n’a pas atteint tout le monde… À preuve, les hausses de rémunérati­on mirobolant­es négociées par le ministre Barrette avec les fédération­s médicales et qui mettent à mal, elles aussi, la pérennité du réseau.

Le ministre Barrette a, par ses réformes, dangereuse­ment fragilisé le système de santé et de services sociaux. Et les politiques d’austérité du gouverneme­nt Couillard ont rendu la situation encore plus intenable.

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