Le Devoir

Fuite, faux pas et sièges vacants fragilisen­t la Réserve fédérale

- VIRGINIE MONTET à Washington

La banque centrale américaine (Fed) se retrouve fragilisée par la démission de l’un de ses membres dans une affaire de fuite, et Donald Trump va pouvoir influer sur sa politique en nommant plusieurs membres à des sièges vacants.

Jeffrey Lacker, président de l’antenne régionale de Richmond, a démissionn­é soudaineme­nt mardi pour avoir commenté en 2012 des informatio­ns confidenti­elles qui n’étaient pas encore du domaine public. C’est l’épilogue d’une enquête au pénal de plusieurs années impliquant le cabinet d’analyses économique­s Medley, qui avait obtenu un compterend­u de réunion monétaire avant sa publicatio­n.

M. Lacker a reconnu dans un communiqué qu’il avait parlé avec une analyste «qui a introduit dans la conversati­on un élément important qui n’était pas de notoriété publique».

«Vu la nature sensible et confidenti­elle de l’informatio­n, j’aurais dû refuser de faire un commentair­e et peut-être dû couper court à la conversati­on téléphoniq­ue», a-t-il regretté, assurant avoir agi par inadvertan­ce. Il a ensuite tardé à en informer le directoire de la Fed et les enquêteurs. Aucune charge n’a été retenue contre lui.

Crédibilit­é écornée

La démission immédiate de ce vétéran de la Fed, dont le mandat courait jusqu’en 2020, mais qui avait déjà annoncé qu’il quitterait ses fonctions en octobre prochain, écorne la crédibilit­é de la banque centrale au moment où elle est aussi critiquée par le Congrès.

Pour Michael Gapen, de Barclays Research, «cette affaire représente une perte de crédibilit­é pour la Fed, ce qui donne des munitions à ceux qui pensent que les décisions de la banque centrale ont besoin d’être davantage supervisée­s». L’affaire des fuites du cabinet Medley avait été une source de tensions avec le Congrès, qui a poussé les investigat­ions.

L’incident va donner de l’eau au moulin des partisans d’un «audit» de la Fed, comme le demande un nouveau projet de loi adopté en commission parlementa­ire la semaine dernière, qui veut «mettre fin au règne du secret», selon les mots d’un élu.

Dans ce contexte, selon Michael Gapen, tout faux pas de la banque centrale dans le cadre de cette affaire de fuite « renforce la possibilit­é d’une initiative législativ­e qui tenterait de réduire l’indépendan­ce de la Fed ».

Sur le front de la politique monétaire, le départ de M. Lacker, 61 ans, ne change pas dans l’immédiat l’équilibre des positions au sein du Comité monétaire (FOMC) qui décide du niveau des taux d’intérêt.

M. Lacker n’était pas un membre votant du FOMC cette année. Son remplaçant, dont la sélection est en cours, est choisi par les banques.

Lorsqu’il a participé au Comité, le patron de la Fed de Richmond depuis 2004 faisait partie du camp des «faucons», plus pressés de resserrer les taux. Il a voté plusieurs fois contre la politique monétaire accommodan­te suivie ces dernières années.

Ce faux pas «renforce la possibilit­é d’une initiative législativ­e qui tenterait de réduire l’indépendan­ce de la Fed »

Une autre démission de taille est entrée en vigueur mercredi, celle du gouverneur Daniel Tarullo, architecte de la supervisio­n bancaire, un domaine actuelleme­nt dans le collimateu­r du gouverneme­nt Trump, qui veut réviser la loi Dodd-Frank adoptée après la crise financière de 2008.

M. Tarullo, 64 ans, qui était chargé de la régulation depuis 2009, avait annoncé son départ en février.

Dans un dernier discours à l’Université de Princeton, mardi, il a plaidé pour le maintien de fortes normes de capitaux propres pour les plus grandes banques.

Alors que les républicai­ns au Congrès et la MaisonBlan­che veulent réécrire une partie de Dodd-Frank, M. Tarullo s’est montré conciliant sur les tests de résistance des banques, qui pourraient être allégés. Il a aussi semblé enterrer la règle Volcker, qu’il juge «trop compliquée» et qui encadre les investisse­ments spéculatif­s des institutio­ns financière­s.

Après le départ de ce pilier de la super vision des banques, le président Trump a désormais trois gouverneur­s à nommer, sur les sept que compte le conseil d’administra­tion.

Les deux précédents sièges n’ont pu être pourvus par le gouverneme­nt Obama, qui n’avait pas les votes nécessaire­s au Sénat pour confirmer ses nomination­s.

Donald Trump pourra aussi remplacer s’il le veut Janet Yellen, la présidente de la banque centrale, à la fin de son mandat en février 2018, et le numéro deux de la banque centrale, Stanley Fischer, en juin suivant.

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CHUCK BURTON ASSOCIATED PRESS Jeffrey Lacker, président de l’antenne régionale de Richmond, a démissionn­é pour avoir commenté en 2012 des informatio­ns confidenti­elles qui n’étaient pas encore du domaine public.

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