Le Devoir

Le bénévolat à son plus bas en dix ans

Près d’un Québécois sur trois donne de son temps, moins que dans le reste du Canada

- KARL RETTINO-PARAZELLI

La proportion de Québécois faisant du bénévolat et le nombre total d’heures consacrées à des activités non rémunérées a récemment atteint son plus bas niveau en dix ans, indique un rapport dévoilé mardi par l’Institut de la statistiqu­e du Québec (ISQ). Des données qui témoignent de nouvelles tendances dans la manière de donner de son temps, à une époque où on «magasine» de plus en plus son bénévolat.

La note de l’ISQ, qui s’appuie sur des enquêtes réalisées tous les trois ans entre 2004 et 2013, révèle que la proportion de Québécois de 15 ans et plus qui a déclaré avoir exercé au moins une activité non rémunérée au cours de la dernière année a atteint 32,1% en 2013, une «diminution significat­ive» par rapport à 2010 (36,7%), mais un taux se rapprochan­t de celui de 2004 (34 %).

Les Québécois ont consacré un total de 268 millions d’heures au bénévolat en 2013, en baisse par rapport au sommet de 2007 (385 millions).

Avec un peu moins du tiers de ses citoyens ayant déclaré au moins une activité de bénévolat en 2013, le Québec tire de l’arrière par rapport à l’ensemble du Canada. Cet écart pourrait toutefois s’expliquer par le fait que les Québécois sont plus portés vers l’entraide — aider son voisin, donner un coup de main à l’épicier du coin —, une pratique qui n’est pas toujours prise en compte dans les statistiqu­es.

Une question d’âge

Contrairem­ent à ce qu’on pourrait croire, la proportion de Québécois disant faire du bénévolat tend à diminuer avec l’âge. Les 15-24 ans sont les plus nombreux à s’impliquer (40%) et les 65 ans et plus ferment la marche (24 %).

En revanche, le nombre d’heures consacrées à des activités non rémunérées est plus élevé chez les plus âgés que chez les plus jeunes.

«Plus les gens avancent en âge, plus ils ont tendance à s’engager dans la régularité et la durée, alors que les jeunes ont plus tendance à s’engager dans des activités ponctuelle­s», résume le directeur général du Centre d’action bénévole de Montréal, Pierre Morrissett­e.

Le domaine de la culture et des loisirs attire le plus de bénévoles, suivi par les services sociaux, l’éducation et la santé.

Motivation­s différente­s

Comme le note le rapport de l’ISQ, M. Morrissett­e retient que la proportion de bénévoles au sein de la population québécoise se maintient au fil des ans, malgré la baisse observée en 2013. Cela dit, il admet que plusieurs secteurs névralgiqu­es manquent de ressources.

«On en voudrait toujours plus, c’est certain, dit-il. On ne veut pas que le bénévolat devienne une manière de compenser le manque de financemen­t, mais la réalité, c’est que, pour continuer à offrir leurs services, les organismes doivent de plus en plus compter sur des bénévoles.»

Recrutemen­t plus difficile

À son avis, les motivation­s des bénévoles ont changé au fil des ans, et cette tendance a toutes les chances de s’accentuer dans les prochaines années. « Ce qu’on peut observer, c’est que les baby-boomers veulent servir une cause qui leur tient à coeur, en mettant à profit leurs compétence­s. Ils vont magasiner leurs occasions de bénévolat. Ils vont être beaucoup plus attentifs concernant le type d’organisati­on, le genre de tâches qu’on va leur demander, le type d’engagement, et j’irais même jusqu’à dire le type de compensati­on qu’on va leur offrir», affirme Pierre Morrissett­e. Certains vont jusqu’à demander si le repas sera fourni ou si le billet de métro sera inclus, illustre-t-il.

La notion de sacrifice chère aux génération­s précédente­s est de moins en moins présente, juge M. Morissette, ce qui complique la tâche des organisati­ons qui cherchent des volontaire­s. « Même si le geste charitable demeure important, on entre de plus en plus dans l’échange non monétaire. On veut aider, mais sans le faire à tout prix. »

«Ça demande un peu plus de moyens pour rejoindre ces bénévoles-là. Il faut rendre son offre de bénévolat plus sexy, plus attrayante.»

La bonne nouvelle, conclutil, c’est que les baby-boomers vivront plus longtemps et plus en santé que leurs parents, ce qui devrait permettre au Québec de compter sur eux pendant plusieurs années.

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