Le Devoir

L’UE valide une deuxième mégafusion, cette fois entre ChemChina et Syngenta

- CÉLINE LE PRIOUX à Bruxelles

Après son feu vert au mariage Dow-DuPont il y a dix jours, l’Union européenne a validé mercredi la deuxième des trois fusions en cours dans l’agrochimie, le rachat du suisse Syngenta par le géant chinois ChemChina.

L’autorisati­on de cette opération à 43 milliards $US, la plus grosse acquisitio­n jamais lancée par un groupe chinois à l’étranger, n’est pas une surprise.

Elle survient d’ailleurs juste après la validation de cette fusion mardi par la Commission de la concurrenc­e américaine, qui a, comme l’UE, posé ses conditions.

Les États-Unis ont demandé en échange de leur bénédictio­n la vente de trois pesticides appartenan­t à Syngenta pour le marché aux ÉtatsUnis. Quant à la Commission européenne, gardienne de la concurrenc­e dans l’UE, elle a réclamé la cession d’une partie de l’activité pesticides en Europe du géant chinois de la chimie.

À ces deux unions, la purement américaine Dow-DuPont et la sino-suisse ChemChina-Syngenta, vient s’ajouter une troisième, le rachat de l’américain Monsanto par l’allemand Bayer pour 66 milliards.

Cette dernière n’a toutefois pas encore été notifiée aux autorités de la Concurrenc­e européenne et est en cours d’examen aux États-Unis.

Vague inquiétant­e

Cette vague de concentrat­ion dans l’agrochimie, poussée notamment par la baisse des marges des groupes de ce secteur, avec des prix agricoles qui restent bas, suscite de nombreuses inquiétude­s parmi les défenseurs de l’environnem­ent.

«Permettre à un petit nombre d’entreprise­s géantes de dominer l’approvisio­nnement en nourriture du monde entier sera mauvais pour les fermiers, les consommate­urs et l’environnem­ent », a aussitôt réagi mercredi l’ONG Friends of the Earth Europe.

Avant le feu vert donné à Dow-DuPont, plusieurs ONG, dont Friends of the Earth et Greenpeace, avaient d’ailleurs adressé une lettre à la commissair­e européenne à la Concurrenc­e, Margrethe Vestager, lui faisant part de leur inquiétude.

Pour ChemChina-Syngenta, la commissair­e danoise a estimé que la concurrenc­e restait préser vée sur le marché européen.

«Il importe pour les agriculteu­rs et, en fin de compte, pour les consommate­urs européens, que la concurrenc­e soit effective sur les marchés des pesticides, même après le rachat de Syngenta par ChemChina», a déclaré Mme Vestager.

«ChemChina a proposé d’importante­s mesures corrective­s, qui répondent pleinement à nos préoccupat­ions en matière de concurrenc­e, ce qui nous a permis d’autoriser l’opération», a-telle ajouté.

Doper la production agricole en Chine

Cette fusion, annoncée en février 2016, devrait permettre à la Chine de doper sa production agricole nationale pour nourrir sa population de 1,3 milliard d’habitants, alors que la surface des terres cultivable­s se réduit inexorable­ment dans le pays.

Pékin attache en effet une importance accrue au contrôle des semences et des technologi­es agricoles susceptibl­es de l’y aider.

Avant cette union, ChemChina n’était pas présent dans l’élaboratio­n et la commercial­isation de semences.

Ce rachat par une entreprise chinoise d’un groupe dont le siège se trouve à Bâle n’a pas suscité de réactions de défiance en Suisse, alors que les vagues d’investisse­ments chinois en Europe et aux États-Unis avaient suscité une inquiétude de plus en plus prononcée de la part de responsabl­es politiques, en Allemagne notamment.

Selon Syngenta, cette approbatio­n de l’UE «marque une étape cruciale vers la finalisati­on du rachat qui est attendue au courant du deuxième trimestre 2017 ».

 ?? EMMANUEL DUNAND AGENCE FRANCE-PRESSE ?? La commissair­e européenne à la Concurrenc­e, Margrethe Vestager, a expliqué la décision de donner le feu vert à la fusion.
EMMANUEL DUNAND AGENCE FRANCE-PRESSE La commissair­e européenne à la Concurrenc­e, Margrethe Vestager, a expliqué la décision de donner le feu vert à la fusion.

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