Les éditoriaux de Guy Taillefer et de Manon Cornellier.
On pense bien du mal de Donald Trump, mais on en pense encore davantage de Bachar al-Assad. Aussi, la décision du président américain de punir le régime de Damas pour son attaque à l’arme chimique à Khan Cheikhoun était fondée. Assad ne pouvait pas s’en tirer impunément. Cela dit, l’usage de la force n’est pas une fin en soi. L’opinion internationale attend maintenant de M. Trump qu’il rende ces frappes utiles à la diplomatie.
Donald Trump marque sans doute des points avec cette attaque ciblée sur une base aérienne du centre de la Syrie, crée l’unité autour de lui dans la plus pure tradition américaine. Ce sont indéniablement des frappes qui donnent un peu de sens à une présidence caractérisée jusqu’à maintenant par l’incompétence et les cafouillages. Entendu que les controverses ne lâcheront pas pour autant la présidence de M. Trump au cours des quatre prochaines années. Mais entendu aussi que, pour un certain nombre d’Américains, y compris parmi ceux qui le détestent, la punition militaire qu’il vient de donner à Assad à des fins humanitaires a peut-être rendu sa présidence un peu moins illégitime.
Dans un monde plus sain, on n’en serait évidemment pas là. Les institutions internationales, à commencer par l’ONU, qui donne trop souvent l’impression de n’y pouvoir rien, seraient moins le terrain de luttes de pouvoir que celui de la recherche de chemins utiles à la résolution des conflits.
Il est notable, en l’occurrence, que le président chinois Xi Jinping se soit trouvé par coïncidence en sommet à Mar-a-Lago avec M. Trump. Un sommet qui devait être d’une importance majeure, mais que l’actualité syrienne a largement éclipsé. La Maison-Blanche aura certainement mesuré l’avantage politique qu’il y avait pour M. Trump à autoriser des frappes contre le régime de Damas tout en profitant de l’occasion d’affirmer la puissance américaine en présence du président chinois… et d’envoyer par la bande un avertissement à la Corée du Nord.
M. Trump marque encore des points de politique étrangère et intérieure dans la rupture que son geste représente d’avec l’inaction dont a fait preuve l’ex-président Obama dans le conflit syrien. Difficile de ne pas se dire que M. Obama aurait peut-être pu changer le cours des choses s’il avait lui aussi réagi militairement à l’attaque au gaz sarin menée à l’été 2013 par le régime d’Assad en banlieue de Damas (et qui avait fait près de 1500 morts). L’enfer qu’est devenue la vie pour le peuple syrien n’a cessé de se creuser depuis quatre ans ; et la situation de se compliquer.
Géopolitiquement, il n’est pas inimaginable que ces frappes punitives servent à rétablir un certain rapport de force face à Moscou et ramène Damas à une position de négociation plus humble. Se tenant en retrait sous Obama, les États-Unis ont laissé le champ libre à la Russie et autorisé Bachar al-Assad à conserver le pouvoir en recourant à une violence indicible. Auquel cas, pour avoir déclenché la colère militaire de M. Trump, Al-Assad aura commis une erreur en menant mardi cette attaque au gaz toxique. Une attaque immorale sans conteste, mais d’aucune utilité militaire au demeurant, vu l’état de faiblesse dans lequel se trouvaient déjà les organisations rebelles. Les Russes ne peuvent pas ne pas savoir que l’attaque syrienne sur Khan Cheikhoun risque de leur nuire.
Que ces frappes punitives déclenchent une escalade demeure parfaitement possible. Dans l’immédiat, Vladimir Poutine va se faire plus vociférant. Voyons voir ce que donnera la visite du secrétaire d’État Rex Tillerson mardi prochain, à Moscou. Et souhaitons seulement que la fibre humanitaire que vient de se découvrir l’impulsif et isolationniste Donald Trump à l’égard du peuple syrien ait de salutaires résonances diplomatiques.