Le Devoir

Trudeau appuie les Américains.

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Justin Trudeau reconnaît qu’il n’a vu aucune preuve, mais il dit croire sur parole les États-Unis lorsqu’ils affirment que c’est le régime de Bachar al-Assad qui est responsabl­e de l’attaque à l’arme chimique survenue plus tôt cette semaine en Syrie. C’est pour cette raison qu’il approuve «pleinement» la riposte américaine.

«Le Canada appuie pleinement l’interventi­on limitée et ciblée que les États-Unis ont menée pour affaiblir la capacité du régime Assad de perpétrer des attaques aux armes chimiques contre des civils innocents, dont de nombreux enfants», a déclaré M. Trudeau à la Chambre des communes vendredi matin.

Les attaques chimiques constituen­t, a-t-il dit, « un crime de guerre » qui «ne peut pas être passé sous silence ». «Nous ne pouvons pas permettre que ces horribles attaques puissent continuer de se produire en toute impunité.»

Quand les journalist­es lui ont demandé qui, à son avis, était responsabl­e de l’attaque chimique, M. Trudeau a répondu que «le secrétaire [à la Défense James] Mattis a appelé le ministre [canadien de la Défense Harjit] Sajjan pour confirmer que le régime de Bachar al-Assad était responsabl­e ».

Mais qu’est-ce qui l’a convaincu, lui qui la veille encore, à New York, affirmait ne pas savoir qui était responsabl­e de l’attaque?

«Un allié digne de foi et digne de confiance, les États-Unis, nous a informés que c’est le régime de Bachar al-Assad qui est responsabl­e de ces attaques chimiques», a répondu M. Trudeau.

Rappel de l’Irak

Pourtant, l’histoire récente enseigne que les États-Unis n’ont pas toujours dit la vérité à ces sujets.

En février 2003, le gouverneme­nt républicai­n avait fait une présentati­on à l’ONU, avec images satellites à l’appui, pour convaincre la communauté internatio­nale de la présence d’armes de destructio­n massive en Irak et justifier une interventi­on militaire. On découvrira plus tard que de telles armes n’avaient jamais existé.

Le premier ministre Jean Chrétien, à qui on demandait sans relâche quelles preuves il lui faudrait pour que le Canada se joigne à la mission, avait eu cette déclaratio­n passée à l’Histoire: «Une preuve est une preuve. Et quand vous avez une bonne preuve, c’est parce que c’est prouvé.»

Pour l’instant, cette interventi­on américaine aux suites incertaine­s ne modifie en rien la mission canadienne en Irak, a indiqué M. Trudeau.

Le Canada y a toujours trois avions pour des opérations de surveillan­ce et de ravitaille­ment, quelque 200 membres de forces spéciales faisant de la formation et environ 600 soldats. Le Canada ne participe plus aux bombardeme­nts. La mission a été prolongée de trois mois la semaine dernière.

La mission canadienne

Le spécialist­e en matière de défense David Perry estime que, si les États-Unis frappent encore en Syrie, les troupes canadienne­s en Irak pourraient être invitées à prendre plus de place pour se substituer aux Américains.

M. Perry croit que le Canada a prolongé sa mission en Irak question d’attendre la révision demandée par le gouverneme­nt Trump de la lutte américaine contre le groupe État islamique. «Si les frappes sont une indication d’où les États-Unis s’en vont à cet égard, cela pourrait avoir un impact sur où nous irons. »

À Ottawa, les conservate­urs ont salué l’appui libéral aux frappes américaine­s. « C’était clair qu’il fallait prendre des actions, a soutenu le député Pierre Paul-Hus. Parce qu’on a la preuve que les Nations unies n’ont pas le moyen d’être efficaces.»

La chef du Bloc québécois, Martine Ouellet, qui s’était déplacée à Ottawa pour l’occasion, a au contraire dénoncé cet appui à des frappes « prématurée­s ». Elle rappelle qu’en 2013 tout le monde avait soupçonné le régime Al-Assad d’être responsabl­e d’une attaque au gaz sarin. Une enquête onusienne avait déterminé que les forces rebelles en étaient probableme­nt l’auteur.

Au NPD, on estime qu’il est trop tôt pour se prononcer sur le bienfondé du geste américain, surtout ne sachant pas la suite des choses. On exprime le souhait que toute future action soit multilatér­ale.

Pour l’instant, cette interventi­on américaine aux suites incertaine­s ne modifie en rien la mission canadienne en Irak, a indiqué M. Trudeau

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