Le Devoir

Collusion et financemen­t illégal

L’ingénieur Michel Lalonde soutient que le projet de la SHDM a été divisé et partagé entre les firmes collusionn­aires

- JEANNE CORRIVEAU

Témoignant au procès du Faubourg Contrecoeu­r vendredi, l’ex-p.-d.g. de Genius, Michel Lalonde, a décrit comment son entreprise était parvenue à se faire une place dans le cercle des firmes collusionn­aires à Montréal. La participat­ion de la firme au système de ristourne de 3% versée à Union Montréal l’a finalement amenée à décrocher une première série de mandats pour le vaste projet immobilier.

Comme il l’avait fait devant la commission Charbonnea­u, Michel Lalonde a expliqué les démarches entreprise­s par le Groupe Séguin (devenu Genius Conseil en 2010) pour se rapprocher de l’administra­tion d’Union Montréal.

Le témoin a relaté qu’avant 2001, les contrats de génie-conseil étaient octroyés de gré à gré. La loi 106 a changé les règles du jeu, a-t-il dit. Désormais, les contrats devaient être accordés par appel d’offres selon des critères de qualité et de prix. À compter de 2003, Groupe Séguin a vu plusieurs contrats lui filer entre les doigts.

Michel Lalonde devait faire face à un autre problème. Groupe Séguin avait entretenu de bonnes relations avec plusieurs administra­tions. D’abord, celle de Jean Drapeau: «Si on était sollicités pour du financemen­t politique, on était là pour les encourager », a-t-il dit. Puis, celles de Jean Doré et Pierre Bourque.

Pendant la campagne électorale de 2001, l’entreprise avait «aidé» Vision Montréal, que dirigeait Pierre Bourque. Mais c’est Gérald Tremblay et Union Montréal qui furent portés au pouvoir. «On devenait fragiles. Il fallait que je relance notre positionne­ment », a expliqué M. Lalonde, qualifiant cette période de «purgatoire».

Des contributi­ons substantie­lles

L’ingénieur a alors communiqué avec Sammy Forcillo, un ancien élu, qui l’a mis en contact avec Frank Zampino, président du comité exécutif de la Ville. Lors d’une rencontre entre M. Lalonde et M. Zampino, ce dernier lui a recommandé de continuer à soumission­ner, disant qu’il y aurait plus tard de la place.

Michel Lalonde a indiqué avoir reçu, peu après, un appel de Bernard Trépanier, directeur du financemen­t à Union Montréal, l’invitant à acheter quatre billets pour un cocktail de financemen­t au coût de 2000$. Il a accepté et fait signer des chèques par des résidents de Montréal. Il a participé au financemen­t politique dans plusieurs arrondisse­ments. À la demande de Bernard Trépanier, il a consenti une contributi­on de 10 000$.

«Mais je n’avais pas assez de résidents de Montréal. J’ai payé une partie par chèques et le reste, comptant », a-t-il expliqué.

En prévision des élections de 2005, des contributi­ons plus substantie­lles ont été demandées aux firmes de génie-conseil: 200 000$ pour les grandes firmes, 100 000$ et 50 000$ pour les autres. Celle de Groupe Séguin était de 100 000$, a-t-il indiqué. Il a même fait une contributi­on de 60 000 $ pour la campagne de Cosmo Maciocia.

Un système de partage des contrats entre les firmes de génie a alors été établi, Bernard Trépanier détenant une liste des projets en préparatio­n à la Ville. Il est alors convenu que les firmes verseraien­t 3% de la valeur des contrats obtenus.

Le Faubourg Contrecoeu­r

Au début de 2004, le projet immobilier du Faubourg Contrecoeu­r commençait à alimenter les conversati­ons. Lors d’une conférence de presse, le maire Gérald Tremblay, qui avait promis en campagne électorale la constructi­on de 5000 logements sociaux, a dévoilé les projets à venir. Le Faubourg Contrecoeu­r en faisait partie.

«J’étais aux aguets», a indiqué M. Lalonde, qui a alors appelé Bernard Trépanier pour s’informer des occasions susceptibl­es de se présenter. Le collecteur de fonds lui a recommandé de parler au directeur de la Société d’habitation et de développem­ent de Montréal (SHDM), Martial Fillion. Ce qu’il a fait. La SHDM a par la suite décidé que les contrats pour les études préliminai­res ne seraient pas octroyés par appels d’offres, mais de gré à gré.

Pour contourner cette règle, le contrat a été divisé en huit mandats (par champ d’activités) pour s’assurer que chacun d’eux ne dépasse pas 25 000 $, soit la limite permise pour les contrats de gré à gré. Les huit contrats, tous octroyés à Groupe Séguin, totalisaie­nt 180 000$. La moitié ont été sous-traités à Dessau et à la firme Groupe Gauthier Biancamano Bolduc (GGBB).

Le témoignage de Michel Lalonde se poursuit lundi.

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Michel Lalonde

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