Le Devoir

Le design au service des marques

Kotmo conçoit des objets promotionn­els écorespons­ables

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Le Québec regorge d’entreprene­urs passionnés qui tentent de mettre à profit une idée ou un concept novateur. Chaque semaine, Le Devoir vous emmène à la rencontre de gens visionnair­es, dont les ambitions pourraient transforme­r votre quotidien. Aujourd’hui, une Franco-Canadienne qui veut mettre fin à la dictature du stylo et de la clé USB.

Lorsqu’elle arrive au Québec en 2012 après avoir étudié le design en France, Céline Juppeau sait qu’elle doit rapidement garnir son carnet de contacts. Elle multiplie les événements de réseautage et en revient avec une foule d’objets qui accumulent la poussière sur un bureau ou qui prennent rapidement la direction de la poubelle.

« Je n’en voulais pas, de ces produits-là, et me suis dit que les designers pouvaient créer ce genre de produits », se souvient-elle.

La jeune femme ambitieuse, dont les parents sont français et québécois, sait depuis des années qu’elle sera un jour son propre patron, mais il manque une corde à son arc. «À l’école, on nous forme pour être des créateurs, pour développer des idées, mais on ne nous forme pas pour gérer notre travail. »

Elle entame donc une maîtrise à l’Université de Montréal, pendant laquelle elle explore le monde de la gestion. «C’est un peu là que tout a commencé. »

Le design pour tous

Ce « tout », c’est Kotmo — pour quotidien en mouvement —, une entreprise que Céline met sur pied en octobre 2014. Dès le départ, elle souhaite démocratis­er le design, tout en servant l’image de marque des entreprise­s.

«Le design est devenu très élitiste. Et je crois profondéme­nt que le design doit être accessible à tous», lance-t-elle, attablée dans les bureaux que son entreprise occupe, dans un ancien bâtiment industriel du sud-ouest de Montréal.

«En remettant des produits, les entreprise­s ont un impact autour d’elles. Pourquoi ne pas réintégrer le design dans le quotidien des citoyens, grâce aux entreprise­s ? »

L’entreprene­ure s’associe d’abord avec des designers locaux, avec l’objectif de vendre leurs produits. Elle change rapidement de cap et développe sa propre gamme de produits, qu’en vend à partir d’octobre 2015. Et pour satisfaire ses clients, l’entreprise se concentre aujourd’hui sur les produits conçus sur mesure.

Critères à respecter

Le coeur de Kotmo se trouve derrière cette porte, au fond du grand bureau à aire ouverte: on y découvre un atelier où s’empilent les retailles de bois, la peinture et les outils en tous genres. C’est ici que

des designers conçoivent à la main tous les produits de l’entreprise.

Chaque objet est donc fabriqué sur place, en utilisant majoritair­ement des ressources locales, pour minimiser l’impact environnem­ental du transport. Les produits doivent être utiles et, dans la mesure du possible, durables, recyclable­s et réutilisab­les. Le respect de ces critères a permis à l’entreprise d’obtenir la certificat­ion B Corp, qui reconnaît l’engagement social et environnem­ental de centaines de compagnies à travers le monde.

Depuis ses débuts, Kotmo compte une cinquantai­ne de clients au Québec et en Ontario, y compris plusieurs gros noms. L’entreprise a, par exemple, créé un amplificat­eur de musique pour Desjardins, une enveloppe en tissu pour les boîtes de mouchoirs de Téo Taxi, ou encore un minitablea­u en bois pour Kijiji.

« Chaque produit est issu d’une réflexion de design, résume Céline. Quand on fait du design, on prend un problème, on réfléchit, on trouve des solutions, on teste, on revient en arrière et on atteint un résultat. »

Repenser l’objet

Céline Juppeau ne veut pas que ses clients comparent ses produits à ceux qui sont fabriqués en Chine, à bas coûts. Les objets conçus sur mesure sont plus dispendieu­x, mais ils véhiculent un message bien plus fort, soutient-elle.

Et à ceux qui lui reprochera­ient de contribuer à la surconsomm­ation de produits, malgré ses bonnes intentions, elle répond que c’est exactement ce contre quoi elle lutte.

«Il y a beaucoup de gens qui disent qu’il faudrait arrêter l’objet promotionn­el. Il ne faut pas l’arrêter, il faut le repenser, dit-elle. La publicité par l’objet est une pratique essentiell­e dans une stratégie de marketing. On veut créer des produits qui ont une valeur, que les gens vont utiliser, qui ont un impact positif.»

Grandir à sa façon

Kotmo n’est pas différente des autres start-ups qui rêvent de grandir, et vite. Mais Céline veut que cette croissance se fasse en respectant les valeurs sur lesquelles elle a bâti son entreprise.

«L’idée, c’est de développer à Montréal un modèle d’affaires qui fonctionne et de répéter ce modèle. Si on a des clients en France, on ne va pas leur envoyer des produits faits ici. Ça ne cadrerait pas du tout avec nos objectifs de développem­ent durable. »

La jeune femme rêve d’établir un « pôle de production » en Europe d’ici deux ans, et un autre dans l’Ouest canadien par la suite, afin de desservir les clients locaux.

Son carnet de contacts est désormais rempli, et elle espère que celui des commandes débordera sous peu.

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR «Le design est devenu très élitiste. Et je crois profondéme­nt que le design doit être accessible à tous», affirme Céline Juppeau.
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