Technologie La mode intelligente sur toutes ses coutures
Une soirée au musée pour mieux comprendre la mode intelligente
La semaine dernière, le 5 à 9 du Musée McCord lançait la saison du Printemps numérique à Montréal et mettait en avant le travail des créateurs d’ici en mode intelligente, dans son grouillant after-hour Fashion Tech. Le Devoir y a passé la soirée.
Accoudées près d’une table remplie de verres de gintonic vides, trois copines essayaient de comprendre ce qu’est la mode intelligente. «Pour moi, un vêtement intelligent me donnerait chaud quand je gèle et me rafraîchirait quand j’ai chaud», lance sans détour une brunette à frange.
Tout près, un élégant trentenaire en manteau de feutre chiné gris demanda à un couple de milléniaux si la ligne dans laquelle ils attendaient menait vers les bouchées du traiteur. «Euh, non. Vers une cabine d’essayage interactive, je pense. » Ne voyant pourtant aucune cabine, il fronça le sourcil et repartit à la recherche de son profit.
La table était mise pour le 5 à 9 du musée McCord, à Montréal. Une poignée de créateurs étaient invités à présenter leurs innovations dans les recoins d’un musée bondé comme un populaire bar de quartier. Une robe virtuelle
Anastasia Radevich présentait ses souliers faits main à l’aide de technologies telles que l’impression 3D et le laser; Imagine 360° permettait aux participants de créer une robe à l’aide de la réalité virtuelle.
Une petite file attendait pour enfiler le gilet SubPac, sorte de sac à dos doublé d’une paire d’écouteurs branchés sur un iPod, qui fait littéralement vibrer
au son de la musique. À l’aide d’une courte sélection sur Spotify, Graham, un employé de la compagnie syntonise Starboy de The Weeknd, sa préférée pour exploiter le potentiel de la machine.
Les sensations que procure le SubPac (vendu 300$) donnent l’impression d’assister à un spectacle collé sur le subwoofer ou de revêtir un minisiège de cinéma D-BOX sur le dos. Il est tentant de monter le son au maximum pour amplifier cette vibration addictive. «Prendre ses courriels avec cette veste devient pas mal plus excitant! Quand je ne la porte
pas, elle me manque», ajoute Graham, qui la porte tous les jours pour travailler. Un souffle de réseautage
Dans la pièce d’à côté, le tailleur Nathon Kong proposait d’essayer son concept de complets sur mesure Tailor2go. Il réinvente ainsi le tailleur de quartier en se déplaçant dans la ville avec son camion, à la rencontre des clients.
Les costumes sont fabriqués outremer, mais le choix des tissus et les mesures sont pris dans son camion à l’aide de la numérisation 3D. Ici, c’est plutôt le mode de production qui est intelligent puisqu’il permet de confectionner des complets sur mesure, à la demande (et à bas prix).
«L’avenir du Canada parmi les pays développés va vraiment dépendre des nouvelles technologies, affirme Valérie Lamontagne, enseignante au Département de design à l’Université Concordia et designer qui s’intéresse au vêtement du futur. Actuellement, on fabrique des vêtements en masse qui ne seront jamais vendus et finiront dans les poubelles. Ce n’est pas durable de produire des vêtements dans les conditions présentes.»
Elle constate un réel intérêt de la grappe métropolitaine de la mode sur la question, «mais il reste encore beaucoup de travail à faire». Actuellement, à Montréal, aucune école n’offre de programme unissant techno et mode. «On a toutes les pièces, il ne reste qu’à les mettre aux bonnes places », ajoute la participante à l’organisation du 5 à 9 Fashion Tech.
Ce soir-là, une collaboration entre des étudiants de l’école de mode du cégep Marie-Victorin et des étudiants en sciences informatiques et mathématiques du collège de Bois-de-Boulogne montrait justement un premier souffle de ce réseautage. Ils ont uni leurs forces respectives pour fabriquer un habit de motoneige intelligent en un mois et demi à peine.
Doté de lumières clignotantes pour faciliter la signalisation sur les pistes, le prototype est également muni de manches rétractables, en plus de donner la météo ambiante au poignet. Mais, en début de soirée, près des photographies de Notman, il gisait en pièces détachées, inanimé sur une table.
Les élèves s’activaient nerveusement autour de lui. «Un problème de soudures», diagnostique l’un d’eux, avant de retourner à son chevet. «Il fonctionnait pourtant avant qu’on arrive!», s’exclament Fany Jara-Bouthot et Jade Croteau, avec le sourire.
Les deux finissantes de l’école de mode n’ont pas hésité à consacrer chaque minute de temps libre des dernières semaines à ce projet, voyant dans cette opportunité une chance en or de faire leurs premières armes dans ce domaine prometteur.
À la fin de la soirée, le groupe avait réussi à allumer les lumières du manteau pour donner aux visiteurs un aperçu de ses possibilités.
Quelques minutes avant la fin de la démonstration de mode intelligente, les stands étaient toujours courus.
En 45 minutes, la file avait avancé d’à peine quatre mètres devant la cabine d’essayage interactive de Stefanka, dont la technologie permet de prendre les mesures du client — ici pour un soutien-gorge — et d’identifier illico les vêtements adaptés à sa morphologie dans un catalogue existant de prêt-à-porter.
«Nous avons eu quelques problèmes techniques », avoue Élizabeth Stefanka, l’entrepreneure ayant développé cette technologie grâce à la numérisation 3D, qui devrait apparaître dans certaines boutiques d’ici la fin de l’année.
«Mais ce qui est cocasse, c’est qu’une fois leurs mensurations prises, au lieu de sortir de la cabine, les femmes restaient là pour magasiner en ligne des soutiens-gorge!» Une fois entre nos mains, les possibilités de la mode intelligente sont tellement plus limpides.
«Actuellement, on fabrique des vêtements en masse qui ne seront jamais vendus
poubelles» et finiront dans les Valérie Lamontagne, enseignante au Département de design à l’Université Concordia