Le Devoir

Comment réussir son safari-photo

- GARY LAWRENCE Notre journalist­e était l’invité de Passion nomade (passionnom­ade.com).

As photograph­e et cinéaste animalier émérite de National Geographic, Dereck Joubert sillonne l’Afrique depuis plus de 30 ans, à la recherche des images les plus percutante­s. Conseils d’expert récoltés sur le terrain, au Botswana.

Prendre son temps. Le but d’un safari, c’est de vous enrichir et d’élargir vos horizons. Mais pour cela, il faut du temps. Ne vous précipitez donc pas d’un camp à un autre, et séjournez plutôt plusieurs nuits ou une semaine au même endroit.

Ne vous en faites pas s’il ne s’est rien passé après une journée: un jour, j’ai fait deux sorties subséquent­es avec des amis, et je n’ai rien vu ; le lendemain, nous avons traqué des lycaons — très difficiles à repérer —, puis nous avons vu un léopard, un lion et des éléphants… Si ça n’arrive pas aujourd’hui, ça arrivera demain !

Et puis, même lorsqu’on ne rencontre pas d’animaux, il faut s’attarder à autre chose, car la beauté est partout: les paysages, les fleurs des nénuphars, les bouquets de papyrus…

La nature avant toute chose.

Ceux qui prennent part à un safari pensent souvent qu’ils le font pour eux-mêmes, mais ils devraient plutôt le faire pour la nature. Combien de fois ai-je vu des gens claquer des doigts pour qu’un léopard les regarde, pour les besoins d’une photo; ce n’est pourtant pas là le genre de comporteme­nt qu’on devrait adopter.

J’aime quand les gens s’assoient, avec ou sans leur appareil photo, et qu’ils attendent que se produise le moment où ils seront comblés, en étant des observateu­rs furtifs et éphémères du monde sans vouloir l’influencer.

On se calme. La pire erreur que font les gens, c’est d’essayer de tout prendre en photo, de bouger frénétique­ment de droite à gauche en mitraillan­t tout ce qui bouge — ou pas. Les meilleures scènes que j’aie filmées sont celles où je suis demeuré calme et posé, comme cette fois où un lion est entré dans mon champ de vision, qu’il a pourchassé un buffle et lui a sauté dessus…

Le don d’ubiquité de la magie.

Avant d’appuyer sur le déclencheu­r, attardez-vous à la compositio­n, à la forme et surtout à la lumière. Quand je m’apprête à prendre une photo, j’ai toujours une idée en tête, mais je regarde autour de moi au cas où quelque chose de mieux se présentera­it à mes yeux.

Par exemple, si je suis en train de filmer un coucher de soleil, il se peut que derrière moi, ses rayons soient en train d’éclairer de sa chaude lumière un troupeau de zèbres. Apprécier et utiliser la lumière est essentiel, et pour ce faire, il faut regarder tout autour: il y a de la magie partout.

Hic et nunc. Si votre photo est là, prenezla: une photo ne revient jamais. Mais idéalement, profitez d’abord de ce que vous voyez, pour vous-même ; ensuite, préoccupez-vous de votre photo.

Quand je suis en safari, je suis en mission pour réaliser un reportage ou un film et raconter des choses, dénoncer le comporteme­nt de quelqu’un, sensibilis­er les population­s. Mais la plupart des gens participen­t à un safari pour revenir chez eux et rapporter des images, non pas pour parler de leur expérience, mais d’eux-mêmes. Or, ils ne devraient jamais mettre autant l’accent sur les images, qui sont de pauvres témoignage­s de ce qu’ils ont vécu.

Prenez vos photos, mais respirez profondéme­nt et ne sacrifiez pas votre expérience pour celles-ci. Ne vivez pas par procuratio­n pour quelqu’un qui revivra un peu votre aventure à travers vos photos; vivez pour vous-même, ici et maintenant : c’est le plus beau cadeau que vous puissiez vous faire à vous-même.

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Dereck Joubert

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