Mort d’homme et capharnaüm facétieux
Il est difficile de s’empêcher de sourire à la lecture de Hors saison
Après la mort suspecte d’un employé d’entretien de nuit dans une boutique de décorations de Noël du VieuxQuébec, «un entonnoir à touristes muni d’un puissant terminal bancaire», un branlebas de combat un peu burlesque s’enclenche.
«Soldat de l’inconnu à l’horaire biscornu» dont plusieurs se moquaient ouvertement, l’homme a-t-il vraiment été assassiné? Et pour quel motif? C’est en gros toute la trame de Hors saison, le troisième roman de Max Férandon, déjà connu pour les univers légèrement fantaisistes, à la limite du bédéesque, rencontrés dans Monsieur Ho et Un lundi sans bruit (Alto, 2008 et 2014).
Mais s’il est vrai qu’il y a mort d’homme, difficile de s’empêcher de sourire, tant le ton est à la facétie. L’éventail des personnages impliqués dans l’affaire y pousse également : une décoratrice à temps partiel, deux soeurs jumelles chargées de la caisse, un bellâtre aux affaires louches responsable des entrepôts et quelques vieilles dames solitaires.
Quant au propriétaire de la boutique, un ardent partisan du PLQ qui déteste «royalement» Noël, il semble plus occupé par la quête de l’omelette parfaite que l’élucidation de la mort de son employé.
Marina Duhaime, la policière chargée de l’enquête qui débarque dans ce capharnaüm de la rue Sainte-Anne, est une « emmerdeuse prononcée ». Antoine Paradis, « moine de l’inutile», un chef consultant spécialisé dans la cuisine végétarienne auprès de compagnies aériennes, en tant qu’ami du défunt, sera impliqué malgré lui dans cette histoire. Ils vont ainsi former une sorte de «duo improbable », unis dans leur quête de la vérité.
Un richissime et redouté critique gastronomique, « métronome de la fourchette », se mettra aussi mystérieusement de la partie. «Y avait-il une corrélation entre la musique de Noël qui tournait en permanence et les séquelles comportementales dont tout ce beau monde semblait souffrir ? » C’est ce qu’on va savoir — ou pas. Manière de polar atmosphérique, Hors saison nous entraîne ainsi à coups de phrases chargées vers l’incontournable résolution de l’affaire. Vont s’y croiser en cours de route fausses pistes, chemins de traverse et nouveaux indices à propos de l’existence du tombeau de Samuel de Champlain («graal identitaire de toute une nation»).
Au fil d’une narration omniprésente — et à vrai dire un peu écrasante —, à coups de réflexions narquoises et de récriminations subtiles, Max Férandon multiplie les commentaires obliques et critiques sur le monde et sur la ville de Québec, touches de gris dans un univers sinon plutôt coloré.
Tout est dans la tonalité ici, au risque parfois de trop en mettre. « Le fleuve, d’humeur potache, donnait au reflet perdu d’un vieux projecteur du port l’apparence d’une naine blanche. » Ou bien : «Le lèchevitrines avait été remplacé par du rince-ennui. »
Bondissant et ciselé (même à outrance) sous son intrigue anémique, Hors saison est miné par un souci constant, presque frénétique, d’être spirituel, qui confine parfois ses phrases à l’inintelligible. Entre la gastronomie et la boule de Noël, le grand écart frôle aussi la déchirure. Amusant, mais aussi léger qu’une poignée de cheveux d’ange.
HORS SAISON ★★★
Max Férandon Alto Québec, 2017, 168 pages