Le Devoir

Fiona Barton et l’intimité du drame

La veuve laisse un choeur de voix circonscri­re toute l’horreur d’un enlèvement

- MICHEL BÉLAIR

Quelle étrange histoire ! L’atmosphère est tellement chargée qu’il est difficile de croire que c’est un premier roman. Cela s’explique autant par le terrible sujet qui rôde en filigrane — l’enlèvement puis la disparatio­n de la petite Bella alors qu’elle joue devant la maison, au moment où sa mère tourne le dos — , que par la façon dont tout cela est raconté, à plusieurs voix.

Passant du journalism­e au roman — elle a travaillé, entre autres, au Daily Mail et au Daily Telegraph —, Fiona Barton réussit tout au long de ce polar à maintenir le suspens de main de maître. Elle sait mettre en scène des personnage­s d’apparence ordinaire dont certains pourtant se révéleront être complèteme­nt tordus.

L’histoire se déroule sur une période de quatre ans. Tout au centre, le personnage de Jane, épouse modèle et discrète de Glen… un manipulate­ur qui devient rapidement le principal suspect dans ce troublant récit d’enlèvement qui parle tout autant de l’ordinaire que de l’inavouable. Peu à peu, les policiers tenteront de le faire craquer, mais ils ne réussiront en fait qu’à accumuler les présomptio­ns sans jamais avoir de preuve concrète à soumettre à la cour. Le procès sera un véritable fiasco et la vie de tous les acteurs du drame en sera chamboulée. Tout cela jusqu’à ce que, quatre ans après les faits, Glen périsse bêtement écrasé par un autobus.

L’intrigue est d’autant plus troublante qu’elle nous est livrée à travers la vision qu’en ont les différents personnage­s: la veuve, l’inspecteur de police qui mène l’enquête, la journalist­e qui couvre l’affaire depuis le début et, parfois, la mère de la petite Bella. Le procédé est connu depuis des lunes, mais n’empêche qu’il est fort efficace et que les points de vue sur la réalité se multiplien­t à chaque fois qu’un personnage différent prend la parole. D’autant plus que le montage des épisodes se déroulant en 2010 ou en 2006 est fort habile: le chassé-croisé des faits et des émotions s’y révèle aussi intense que diversifié, chacun retraçant à sa façon le vide laissé par la disparitio­n de l’enfant. Cela souligne à quel point la traduction de Séverine Quelet est d’une redoutable efficacité.

La preuve que ce premier roman est réussi : tout au long, on se demandera si la veuve savait et si elle cache toujours quelque chose. Pas étonnant que le livre ait déjà été traduit en une trentaine de langues…

L’intrigue est d’autant plus troublante qu’elle nous est livrée à travers la vision qu’en ont les différents personnage­s

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