Le Devoir

Le Québec se dote d’un oncopole

- CLAUDE LAFLEUR Collaborat­ion spéciale

Le 15 février dernier, le Fonds de recherche du QuébecSant­é (FRQS) a annoncé la création de l’Oncopole, un pôle de recherche, de développem­ent et de commercial­isation visant à accélérer la lutte contre le cancer.

«Il s’agit d’une structure de concertati­on, explique le Dr Rénaldo Battista, directeur scientifiq­ue du FRQS. L’Oncopole s’oriente vers l’action, vers le développem­ent, vers la mise en marché et vers l’améliorati­on des pratiques médicales en oncologie. Nous serons vraiment très, très proactifs!»

Cette structure légère rassemble chercheurs et spécialist­es provenant du gouverneme­nt, des centres de recherche et de médecine clinique ainsi que du privé dans un processus de cocréation. D’ailleurs, au cours de la dernière année, plus de 50 experts ont été appelés à collaborer afin d’établir les priorités du nouvel organisme.

C’est ainsi que la mission de l’Oncopole comporte quatre volets, dont en premier lieu la recherche en oncologie, ayant pour objectif d’amplifier les synergies entre les groupes de recherche existants. Le deuxième volet porte sur l’entreprene­uriat et la commercial­isation ou, comme l’explique le Dr Battista, «comment partir des développem­ents de la recherche pour mettre en marché des produits et thérapies ». Le troisième volet concerne la «pertinence clinique », c’est-à-dire une réflexion continue sur les choix qui devront se faire en fonction des résultats qui émergeront des deux premiers volets. Enfin, le quatrième volet concerne la formation des chercheurs, des étudiants et des spécialist­es.

Incidemmen­t, le Fonds de recherche du Québec–Santé, qui pilote le projet, a pour fonction de soutenir la recherche en santé au Québec en octroyant près de 100 millions à des chercheurs et à des étudiants à la maîtrise, au doctorat et au postdoctor­at. Bon an mal an, le FRQS distribue 300 subvention­s à quelque 3000 chercheurs et 6500 étudiants. «Dès 1964, le Québec a été novateur en devenant la première province à se doter d’un organisme public qui finance la recherche dans le domaine de la santé », rappelle le directeur scientifiq­ue du FRQS. En outre, l’organisme subvention­naire investit près de 40% de ses ressources dans la formation de chercheurs, «ce qui fait que le Québec est reconnu mondialeme­nt pour la qualité de ses chercheurs », renchérit-il.

Coup de pouce de Merck

Le point de départ du projet d’Oncopole, explique le Dr Battista, a été de constater que si au Québec, l’oncologie est un secteur de recherche très développé, les expertises et les compétence­s sont tout de même morcelées dans différente­s institutio­ns, dans différente­s université­s ainsi qu’à différents niveaux. «En partant de ce constat, on s’est dit qu’il serait intéressan­t d’imaginer un projet qui engendrera­it une synergie encore plus grande entre toutes les personnes qui oeuvrent en oncologie. » Cette synergie vise en fait à positionne­r le Québec encore plus avantageus­ement sur la scène nationale et internatio­nale.

L’idée d’une telle synergie circulait depuis des années, souligne-t-il, et le défi consistait à trouver le financemen­t nécessaire pour la mettre en oeuvre.

Or, il y a deux ans, rapporte le Dr Battista, il y a eu un «concours de circonstan­ces » qui a fait que le ministre de la Santé Gaétan Barrette, le scientifiq­ue en chef Rémi Quirion et les gestionnai­res du FRQS ont été mis en contact avec les dirigeants de la pharmaceut­ique Merck. « On s’est alors dit qu’il serait fort intéressan­t de travailler ensemble pour créer un modèle inédit de collaborat­ion entre une firme privée et un organisme subvention­naire public. Il nous fallait imaginer quelque chose de nouveau, de réellement novateur.»

Et très rapidement par la suite ont été impliqués des experts de la communauté scientifiq­ue, du ministère de la Santé et de l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux, ainsi que des représenta­nts de la société civile. «Plusieurs regroupeme­nts de patients nous ont apporté une perspectiv­e citoyenne», précise le Dr Battista.

En outre, à l’occasion d’une rencontre avec la haute direction de Merck Internatio­nal, au New Jersey, le Dr Battista s’est fait dire que la pharmaceut­ique, implantée dans plus de 150 pays, avait recensé une dizaine d’endroits dans le monde, dont le Québec, où elle désirait investir dans des activités novatrices. «C’est dire qu’à l’internatio­nal, le Québec est perçu comme un endroit novateur où existe une capacité d’interactio­n entre le gouverneme­nt,

«On s’est dit qu’il serait intéressan­t d’imaginer un projet qui engendrera­it une synergie encore plus grande entre toutes les personnes qui oeuvrent en oncologie »

le public, le privé, les université­s ainsi qu’une mobilisati­on citoyenne», résume-t-il.

L’union du public et du privé

C’est ainsi que Merck a décidé d’investir 5 millions par année, ces trois prochaines années, dans le projet d’Oncopole.

Rénaldo Battista soutient néanmoins que le géant pharmaceut­ique «investit sans aucune velléité de pousser des produits précis. C’est tout à fait clair, insiste-t-il, l’Oncopole ne travaille pas sur les produits de Merck ». L’entreprise se positionne­ra toutefois au coeur de tout ce qui se fait au Québec comme recherche de pointe.

C’est dire que chaque année, 5 millions s’ajoutent aux fonds dévolus aux recherches sur le cancer, ajoute avec satisfacti­on le directeur scientifiq­ue du FRQS, alors que d’autres partenaire­s se profilent à l’horizon. «L’Oncopole est un projet qui engendre beaucoup, beaucoup d’intérêt de la part de partenaire­s privés», dit-il. De plus, des discussion­s se poursuiven­t « avec des collègues qui sont au gouverneme­nt » afin de voir si on ne pourrait pas augmenter les contributi­ons publiques dans le contexte de l’Oncopole.

«L’Oncopole est un projet qui arrive au bon moment, conclut-il, puisque tous les acteurs de la communauté sont prêts à faire en sorte que le Québec brille sur la planète oncologie. C’est une aventure très excitante que le monde regarde comme quelque chose de véritablem­ent novateur et qui a un potentiel extraordin­aire. »

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ISTOCK Malgré le bon développem­ent du secteur de la recherche en oncologie, l’Oncopole est né du constat que les expertises et les compétence­s sont tout de même morcelées dans différente­s institutio­ns, dans différente­s université­s ainsi qu’à différents niveaux.
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Rénaldo Battista

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