Le Devoir

Et si les pharmaceut­iques revenaient au Québec ?

- CLAUDE LAFLEUR Collaborat­ion spéciale

Comme pour une foule d’autres sphères de la médecine, l’oncologie est un domaine de recherche qui évolue très rapidement.

Selon le Dr Rénaldo Battista, directeur scientifiq­ue du Fonds de recherche du Québec–Santé (FRQS), l’une des grandes tendances observées dans le domaine médical est la médecine personnali­sée. «Il s’agit d’en arriver à un arrimage efficace entre un patient qui a un problème spécifique et la thérapie qui lui convient le mieux », explique-t-il.

Ainsi, en oncologie, on dispose d’une panoplie d’interventi­ons possibles, mais l’un des problèmes les plus sérieux est le fait que celles-ci attaquent aussi bien les cellules cancéreuse­s que les cellules saines — ce qui provoque bien sûr la perte des cheveux, mais, surtout, une foule de complicati­ons. «On cherche donc à concevoir des thérapies de plus en plus ciblées contre la maladie, mais sans avoir d’impact sur les cellules saines», indique le Dr Battista.

Notons que ce docteur n’est pas oncologue, mais qu’à titre de directeur scientifiq­ue du fonds qui subvention­ne la recherche en santé au Québec, il possède la vision d’ensemble de tout ce qui se fait comme recherche en la matière.

Rénaldo Battista détient un doctorat en médecine de l’Université de Montréal ainsi qu’une maîtrise en santé publique et un doctorat en politiques et gestion de la santé. Jusqu’à sa nomination en 2012 comme directeur scientifiq­ue du FRQS, il était directeur du Départemen­t d’administra­tion de la santé de l’Université de Montréal en plus d’être le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en évaluation des technologi­es et des modes d’inter vention en santé.

«Notre objectif au FRQS, c’est de faire en sorte que nos chercheurs se développen­t et disposent d’une infrastruc­ture qui leur permet d’être très compétitif­s sur la scène nationale et internatio­nale, précise-t-il. On appuie les chercheurs à l’aide d’un important programme de bourses, en plus de financer 18 réseaux de recherche.»

Un bel espoir qu’observe ce scientifiq­ue dans la lutte contre le cancer est ce qu’on appelle l’immunothér­apie, c’est-à-dire la mise au point de thérapies qui mettent à profit le système immunitair­e du patient dans sa lutte contre le cancer. «Ça, c’est un domaine qui se développe très rapidement en ce moment», souligne-t-il.

Justement, nos chercheurs sont à la fine pointe en immunothér­apie, notamment grâce aux travaux réalisés à l’Institut de recherche en immunologi­e et en cancérolog­ie (IRIC) et au Centre de recherche de l’hôpital Maisonneuv­e-Rosemont. Ceux-ci viennent d’ailleurs d’organiser un important congrès sur la médecine régénérati­ve et l’utilisatio­n des cellules souches.

Les atouts du Québec

Non seulement le Québec possède-t-il des équipes de chercheurs en oncologie de calibre internatio­nal, mais celles-ci ont même développé une réputation enviable, rapporte Rénaldo Battista.

«L’une des forces souvent mentionnée­s par les collègues de l’extérieur, lorsqu’ils regardent ce qui se passe au Québec en recherche scientifiq­ue, c’est qu’on a une tradition de travail collaborat­if.» Entre autres, le Québec a été le premier endroit au Canada où on a créé, il y a une trentaine d’années, des réseaux de recherche. «Il y a donc ici cette volonté, cette facilité et cette compréhens­ion du travail en réseau, où on se rend compte que si on travaille ensemble, on est beaucoup plus forts que séparément et en compétitio­n.»

Une autre force, poursuit-il, est le fait que les Québécois sont réputés dans une foule de domaines comme étant extrêmemen­t créatifs. «On observe vraiment une grande créativité de la part de nos chercheurs qui sont à la fine pointe», observe celui qui chapeaute la recherche en santé au Québec.

En outre: le Québec est un lieu de formation de très haut niveau. «La qualité de formation de nos chercheurs ainsi que la qualité de nos programmes de deuxième et troisième cycles sont reconnues, déclare le Dr Battista. Même chose concernant la qualité des travaux que nous faisons non seulement en recherche fondamenta­le, mais également en recherche clinique — des travaux de très, très haut niveau. »

Le retour des pharmaceut­iques ?

Selon le directeur scientifiq­ue du FRQ – Santé, ces atouts pourraient bien faire en sorte qu’on assistera bientôt à un renouveau dans la recherche réalisée par les grandes pharmaceut­iques.

«Il y a quinze ou vingt ans, nombre de compagnies pharmaceut­iques ont conclu qu’il leur en coûterait beaucoup moins cher de faire de la recherche clinique dans les pays en développem­ent, rapporte le Dr Battista. Mais je pense que le pendule est en train de basculer, puisqu’on se rend compte qu’il y a des problèmes de qualité des données et de crédibilit­é scientifiq­ue. C’est dire que les pharmaceut­iques se rendent compte qu’il y a un coût associé au manque de qualité et que, sans qualité, on ne peut aller très loin. »

Voilà qui pourrait expliquer l’intérêt des pharmaceut­iques à revenir faire de la recherche au Canada, et au Québec en particulie­r, d’observer le directeur scientifiq­ue du Fonds de recherche du Québec – Santé. «Après tout, on est reconnus pour la grande qualité de ce que nous faisons ici», résume-t-il.

«L’industrie est en pleine transforma­tion, observe-t-il, et nous voyons que leur plan d’affaires change. »

Par ailleurs, alors qu’autrefois, les pharmaceut­iques disposaien­t de leurs propres capacités de recherche à l’interne, elles tendent à présent à s’appuyer sur des centres et des équipes de recherche qui existent à l’externe.

Du coup, elles constatent que le Québec a fait d’énormes investisse­ments dans trois centres hospitalie­rs universita­ires — le CUSM, le CHUM et le CHU Sainte-Justine. «On a donc développé ces dernières années des infrastruc­tures de recherche qui sont vraiment top niveau, déclare le Dr Battista. Il s’agit à n’en point douter d’infrastruc­tures du XXIe siècle, alors même que la conjonctur­e évolue… en notre faveur!»

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ISTOCK La tradition du travail collaborat­if, la créativité et la qualité de formation des chercheurs seraient des atouts indéniable­s pour un renouveau dans la recherche réalisée par les pharmaceut­iques, selon le Dr Rénaldo Battista, directeur scientifiq­ue du...

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