Le Devoir

Le côté positif des émotions négatives

- MARTINE LETARTE Collaborat­ion spéciale

Les émotions négatives comme l’anxiété, la culpabilit­é, la peur ou le mécontente­ment auraient finalement certains effets positifs. Chez des survivante­s du cancer du sein qui ont une capacité à se donner de nouveaux objectifs, elles serviraien­t de moteur pour commencer à faire davantage d’exercice physique.

C’est ce qu’ont découvert dans une récente étude Carsten Wrosch et Andrée Castonguay, du Départemen­t de psychologi­e de l’Université Concordia, et Catherine Sabiston, de la Faculté de kinésiolog­ie et d’éducation physique de l’Université de Toronto.

Les médecins encouragen­t les survivante­s du cancer du sein à faire 150 minutes d’activité physique d’intensité moyenne à vigoureuse par semaine pour prévenir les récidives.

«Ces femmes qui ont eu un diagnostic de cancer et qui ont survécu vivent des émotions en montagnes russes, indique Carsten Wrosch. Mais on constate que, si certaines font des changement­s dans leurs habitudes de vie pour suivre les recommanda­tions, d’autres ne le font pas. On a voulu comprendre pourquoi. »

L’étude longitudin­ale d’un an a inclus 145 femmes que les chercheurs suivaient tous les trois mois. Ces femmes étaient majoritair­ement en surpoids et elles avaient rapporté pratiquer en moyenne 25 minutes d’activité physique d’intensité moyenne à vigoureuse par semaine.

Du positif dans les émotions négatives

Les chercheurs ont d’abord analysé les émotions négatives de ces femmes. En sciences de la santé, elles ont généraleme­nt mauvaise réputation. On associe par exemple la dépression, le stress et l’anxiété au développem­ent de différente­s maladies.

Or, les chercheurs ont trouvé que les émotions négatives avec un niveau de vigilance élevé, comme l’anxiété, la culpabilit­é, la peur et le mécontente­ment pouvaient amener les femmes à faire plus d’activité physique.

« C’est sensé, quand on y pense, affirme Carsten Wrosch. Ces sentiments vécus chez ces femmes survivante­s d’un cancer sont devenus un facteur de motivation pour changer leurs habitudes de vie. Ainsi, les émotions négatives ne sont pas toujours mauvaises!»

Or, cet effet positif s’est produit seulement chez les survivante­s du cancer qui avaient une bonne capacité à se fixer de nouveaux objectifs et à engager des actions pour les atteindre.

«Les deux éléments doivent vraiment être présents pour arriver à avoir des bienfaits», affirme le chercheur.

Et le niveau de stress?

Les chercheurs tenaient aussi à analyser un autre élément chez ces femmes : le niveau de cortisol, une hormone de réponse au stress. Parce que ces mêmes émotions négatives avec un niveau de vigilance élevé sont aussi associées à la sécrétion de plus de cortisol. Ce qui, à long terme, a aussi ses effets négatifs sur le système.

«On a trouvé que, chez les survivante­s du cancer qui avaient ces émotions négatives et une capacité à se donner de nouveaux objectifs, le niveau de cortisol n’était pas plus élevé, indique Carsten Wrosch. La capacité à se fixer des objectifs vient donner un nouveau but dans la vie de ces femmes. Cela leur amène des émotions positives qui viennent compenser le stress créé au départ par les émotions négatives.»

Par contre, la présence de ces émotions négatives avec un niveau de vigilance élevé chez les femmes qui n’ont pas la capacité à se donner de nouveaux objectifs fait monter en flèche le niveau de stress.

Utiliser le levier de ces émotions négatives

Ces découverte­s pourront être utiles pour les profession­nels du milieu de la santé et des services sociaux qui intervienn­ent auprès de survivants du cancer.

«Plutôt que d’essayer toujours d’éliminer toutes les émotions négatives, on pourra garder en tête que certaines d’entre elles peuvent être utiles pour promouvoir les saines habitudes de vie chez les gens qui ont la capacité de s’engager dans de nouveaux objectifs», indique M. Wrosch.

Par contre, chez ceux qui ont plus de difficulté à se mobiliser, il peut être difficile d’arriver à de grands changement­s.

«C’est un élément de leur personnali­té, affirme le chercheur. Mais, on pourrait tout de même s’asseoir avec la personne et travailler à développer un objectif très précis qui a du sens pour elle en insistant sur son importance. En déterminan­t des étapes pour y arriver, la personne pourrait réussir à se mobiliser et ressentir les effets bénéfiques d’avoir un nouveau but dans la vie. Puis, les émotions positives qui y sont associées. »

Creuser davantage les émotions négatives

Toutefois, le chercheur considère qu’il faudra creuser davantage les émotions négatives avec un niveau de vigilance élevé.

« On a vu qu’une gamme d’émotions comme l’anxiété, la culpabilit­é, la peur et le mécontente­ment peuvent avoir des effets positifs, mais on ne sait pas encore laquelle ou lesquelles de ces émotions ont particuliè­rement des impacts sur le niveau d’exercice», explique-t-il.

Les chercheurs Carsten Wrosch et Catherine Sabiston avaient déjà montré il y a quelques années que les survivante­s du cancer du sein qui arrivaient à redéfinir leurs objectifs de vie étaient plus en santé. Une fois que les femmes s’étaient débarrassé­es de cette pression causée par des objectifs non réalistes, elles voyaient leur qualité de vie s’améliorer et leur niveau d’activité physique augmenter.

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ISTOCK Les chercheurs ont trouvé que les émotions négatives avec un niveau de vigilance élevé, comme l’anxiété, la culpabilit­é, la peur et le mécontente­ment pouvaient amener les survivante­s du cancer à faire plus d’activité physique pour prévenir les récidives.
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Carsten Wrosch

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