Le Devoir

Les tiques démasquées et répertorié­es sur un site Web

- RÉGINALD HARVEY Collaborat­ion spéciale

Les tiques transmette­nt chez l’humain la maladie de Lyme, dont le nombre de victimes s’est accru au cours des dernières années: sans pour autant que la situation soit alarmante, elle s’avère préoccupan­te. Ces minuscules parasites gagnent donc à être débusqués et mieux connus pour éviter qu’ils entrent hypocritem­ent en contact avec leurs hôtes. Un nouveau site Internet nous permettra bientôt de partir à la chasse aux tiques.

Professeur­e titulaire au Départemen­t des sciences biologique­s de l’Université Bishop, Jade Savage élabore présenteme­nt un site Web portant sur une descriptio­n des tiques et de leurs milieux de vie au Québec et dans l’ensemble du pays (eTick.ca). Elle a lancé ce projet sur lequel elle travaille en collaborat­ion avec le Laboratoir­e de santé publique du Québec et l’Agence de la santé publique du Canada.

Elle s’intéresse depuis sa tendre enfance — en fait depuis l’âge de quatre ans — à l’univers des insectes et des arthropode­s; filet en main, elle en capturait déjà plusieurs variétés en bas âge: «Ma mère se montrait très compréhens­ive; elle me fournissai­t même en pots Masson, et j’avais le droit de rentrer toutes les bibittes qui grouillaie­nt dans la maison. »

Elle demeure fascinée par ces bestioles, dont elle mesure l’importance sur Terre: «Sept animaux sur dix sont des insectes ou des arthropode­s, ce qui s’avère la composante majeure de notre biodiversi­té.» Cette composante reste pourtant la plus négligée sur le plan de la recherche.

Son intérêt profession­nel porte principale­ment

sur les groupes de mouches, dont plusieurs espèces sont associées à des problémati­ques de santé publique : « Elles peuvent être des vecteurs de maladies ou causer des pertes agricoles et ont un impact sur nos vies ».

La professeur­e a commencé à donner un cours d’entomologi­e médicale il y a environ une dizaine d’années. Au fil du temps, les spécialist­es se sont mis à parler de plus en plus de la maladie de Lyme, de son évolution rapide, ce qui la poussa à modifier son cours et à s'intéresser de plus près aux tiques.

À la chasse aux tiques

Elle côtoie par la suite des gens, tant du côté fédéral que provincial, qui sont chargés de l’étude de cette maladie: «Ce qui m’intéresse alors, ce n’est pas tant la maladie que l’insecte lui-même, qui, au fait, n’en est pas un : les tiques sont des arthropode­s et des cousins des araignées; elles ont huit pattes tout comme celles-ci.» La chercheuse traque la cause de la maladie de Lyme, les tiques en elles-mêmes, plutôt que ses effets.

En échangeant avec des collègues de la santé publique, la professeur­e s’est rendu compte

qu’il existe très peu d’expertise diagnostiq­ue sur la maladie; en contrepart­ie, il y a beaucoup de pression qui est exercée sur le système de santé en place parce que les laboratoir­es reçoivent de plus en plus de tiques d’une année à l’autre.

Elle se rend de plus compte que l’informatio­n sur ce sujet fait défaut en général et « qu’il est difficile d’en obtenir ». Comme elle souhaitait depuis longtemps fournir des outils d’identifica­tion au grand public, elle s’inspire de cette expérience dans sa démarche d’informatio­n sur les tiques: «Ces outils demandent peu de formation et s’adressent à des gens qui ne sont pas des experts.»

Jade Savage se tourne alors vers la réalisatio­n d’un collègue de l’Insectariu­m de Montréal, le docteur en entomologi­e Maxim Larrivée, qui a développé le site eButterfly pour bâtir son projet: «Le concept est au fond assez simple; les gens prennent des photos de papillons, essaient de les identifier et les soumettent sur le site Web. Par la suite, un expert confirme l’identifica­tion originale.»

Des papillons, on passe aux tiques : «L’idée de base était la même. Le programmeu­r embauché pour développer eTick est d’ailleurs le même qui avait réalisé eButterfly. Les gens sont invités à prendre des photos de tiques qu’ils découvrent dans l’environnem­ent ou sur leurs animaux. »

Elle apporte cette nuance: «Notre initiative est un peu différente dans le sens où on ne s’adresse pas à des gens qui connaissen­t bien les tiques, contrairem­ent à eButterfly, qui est destiné à de véritables amateurs de papillons. »

Le site est maintenant prêt et devrait être lancé officielle­ment autour du 15 avril. Elle dégage l’objectif principal du projet: «Il consiste à documenter les population­s des différente­s espèces de tiques. On a une douzaine d’espèces de celles-ci au Québec et une seule d’entre elles peut transmettr­e la maladie de Lyme. On veut suivre de plus près ces population­s, dont celle de la tique à pattes noires, qui est le vecteur de la maladie; on veut obtenir plus de données par l’entremise des gens qui les chassent, qui font du camping et qui se promènent dans la nature. »

Le grand public est en mesure de couvrir beaucoup plus de territoire que ce qui est obtenu actuelleme­nt par les outils qui ont été mis en place : «Il est en mesure de ratisser beaucoup plus large et, en retour, les informatio­ns recueillie­s apparaisse­nt sur une carte; tout est géoréféren­cé, de telle sorte qu’il sera possible de déterminer les endroits où les gens récoltent beaucoup de tiques; cette informatio­n-là n’est pas disponible pour le public actuelleme­nt. »

Celle-ci s’avère particuliè­rement importante dans un contexte où la distributi­on des population­s présente des variables constantes en raison de facteurs comme les changement­s climatique­s, l’abattage de forêts, la constructi­on de chemins.

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SOURCE UNIVERSITÉ BISHOP’S Jade Savage, professeur­e titulaire au Départemen­t des sciences biologique­s de l’Université Bishop, entourée d’étudiants lors d’une séance en laboratoir­e

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