Le Devoir

Faciliter l’accès à la connaissan­ce grâce aux laboratoir­es virtuels

- MARIE-HÉLÈNE ALARIE Collaborat­ion spéciale

Des laboratoir­es virtuels verront le jour dans cinq université­s du Maghreb grâce au soutien financier de l’Agence universita­ire de la francophon­ie (AUF). Ces établissem­ents situés au Maroc, en Algérie et en Tunisie bénéficier­ont de l’expertise de l’agence pour créer ou mutualiser leur «e-lab» dès la rentrée 2017. Une idée notamment inspirée par ce qui se fait au Québec.

«C’est un domaine qu’on n’avait pas exploré par le passé», confie Khalef Boulkroune, chef de départemen­t, Prospectio­n et analyse des partenaria­ts, au sein de l’Agence. Et il s’est avéré que cette idée de mettre en place des laboratoir­es virtuels aura été toute une aventure.

Mais avant tout, qu’est-ce que c’est qu’un laboratoir­e virtuel? Ce sont des dispositif­s qui permettent aux étudiants, grâce aux technologi­es, de réaliser des expériment­ations en manipulant à distance les appareils et d’en observer les résultats. Ils permettent de mener des simulation­s grâce à des modèles mathématiq­ues représenta­nts des concepts théoriques ou des dispositif­s réels. Ces laboratoir­es à distance représente­nt une solution viable et durable pour certaines matières comme l’électroniq­ue, l’optique ou encore la mécanique.

Pour le Maghreb, l’arrivée de ces laboratoir­es représente une avancée majeure qui viendra résoudre la problémati­que de la massificat­ion — le nombre d’étudiants dépasse la capacité d’accueil des établissem­ents — en offrant un accès élargi au matériel, et ce, depuis n’importe quel ordinateur connecté à l’université.

L’idée de départ, on la doit au Conseil scientifiq­ue de

l’Agence. En 2015, un membre et le président de l’époque ont imaginé de soutenir un projet de laboratoir­e à distance. L’AUF s’est d’abord penchée sur des expérience­s réalisées ailleurs, et entre autres au Québec. «On a réuni un comité d’experts afin de mieux comprendre le sujet et de voir comment traduire tout ça dans les pays du Sud», explique le chef de départemen­t. On arrive vite à la conclusion qu’il est possible d’appliquer le modèle européen et québécois au Maghreb… Toutefois, on n’a pas trouvé la solution là où l’on pensait.

«Au départ, on avait songé à la mutualisat­ion, raconte Khalef Boulkroune, c’est-à-dire faire appel aux laboratoir­es des pays du Nord et voir dans quelle mesure ces derniers pourraient se mettre à la dispositio­n des université­s du Sud.» Mais après de nombreuses discussion­s, il s’est avéré que cette solution était d’une complexité extraordin­aire parce que les expérience­s menées au Nord répondent aux besoins précis des établissem­ents : «Ce sont des travaux pratiques, des TP. Ils ne s’adressent qu’aux étudiants de ces université­s et dans des périodes données. Un banc d’essai peut être ouvert pendant un mois, et le mois d’après il sera reconfigur­é pour un autre type d’expériment­ation », précise-t-il. Rapidement, l’Agence a voulu inverser son approche : d’abord créer de toutes pièces des laboratoir­es virtuels pour les mutualiser plus tard.

« C’est ainsi qu’on a été amené à lancer un appel à la mutualisat­ion, raconte M. Boulkroune. Parmi les projets qu’on a conçus, deux au moins prévoient de la mutualisat­ion. On l’a fait à l’échelle d’un pays, l’Algérie, où deux université­s se sont mises ensemble pour que leurs expériment­ations soient complément­aires. Même chose au Sénégal, où deux établissem­ents se sont alliés. Certaines université­s veulent jouer ce rôle de mutualisat­ion. » C’est notamment le cas de l’Université Abdelhamid Ibn Badis d’Algérie qui apporte son expertise à l’Université de Thiès au Sénégal pour l’accompagne­r dans la création de son Laboratoir­e de travaux pratiques à distance (LabTPAD).

Apparaît dès lors un transfert de savoir-faire, d’une part avec le développem­ent et le partage de logiciels, et d’autre part dans l’organisati­on des enseigneme­nts eux-mêmes. « Dans un sens, l’Agence sensibilis­e les professeur­s qui ont répondu à l’appel, qui à leur tour sensibilis­ent leurs responsabl­es universita­ires à ce problème. Au final, toutes les équipes ont été soutenues par leur établissem­ent », lance le directeur.

L’AUF contribue à 50 % du coût d’un laboratoir­e, essentiell­ement pour l’achat de matériel ou pour la mobilisati­on de l’expertise de partenaire­s membres de l’Agence et notamment de nombreux Québécois : « L’École de technologi­e supérieure participe activement à ce projet. Par le passé, elle a déjà travaillé à un projet en réseau engageant plusieurs établissem­ents québécois. C’est cette expérience qui est mise à dispositio­n d’une manière gracieuse au service du projet de l’Université de Sousse en Tunisie à travers l’Institut supérieur d’informatiq­ue et des techniques de communicat­ion », rappelle Khalef Boulkroune.

Pourtant, les laboratoir­es virtuels ne viendront pas résoudre tous les problèmes: «Dans de nombreux établissem­ents, il n’y a pas ou très peu de TP en première année parce que justement, il y a beaucoup d’étudiants, souligne Khalef Boulkroune. Tous les étudiants ne pourront pas accéder à ces TP. Si on veut résoudre ce problème, il faudra multiplier les bancs d’essai.»

Malheureus­ement, l’ajout de bancs d’essai, l’AUF ne pourra pas le faire puisque «la vocation du projet, rappelle-t-il, n’est pas de résoudre le problème, mais de sensibilis­er les établissem­ents en leur disant: même si vous n’avez pas de salles de TP ou de matériel, ça peut se régler grâce à cette technique ».

L’AUF prévoit de soutenir ce projet pendant deux ans. «La première année servira à la mise en place des TP et la deuxième pour le fonctionne­ment. On a prévu des visites de terrain avec nos experts pour rencontrer les bénéficiai­res et voir comment ça se passe.» L’Agence ne s’en cache pas, son ambition est de multiplier ce type d’opération afin de postuler pour un grand projet à l’Union européenne. Pour l’instant, au Maghreb, l’AUF « mise sur une prise de conscience et sur des moyens que les université­s et les États mettent dans ces projets pour qu’ils deviennent pérennes», conclut Khalef Boulkroune.

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ISTOCK Le laboratoir­e virtuel permet aux étudiants de réaliser des expériment­ations en manipulant à distance les appareils et d’en observer les résultats depuis n’importe quel ordinateur connecté de l’université.

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