Le Devoir

L’andropause, la vieillesse en pente douce

- MARIE-PIERRE GENECAND

Même si le choc est moins violent que pour les femmes, les hommes connaissen­t aussi des changement­s liés aux variations hormonales. Explicatio­ns et solutions.

Àla ménopause, la femme chute d’une montagne. Durant l’andropause, l’homme roule doucement au bas d’une colline. Le résultat est le même — et encore, le mâle reste potentiell­ement fertile jusqu’à sa mort —, mais la manière est radicaleme­nt différente.

En effet, l’homme perd 1% de sa testostéro­ne à partir de ses 35-40 ans, tandis que la femme voit ses oestrogène­s et sa progestéro­ne baisser nettement en un temps court, de trois à cinq ans, autour des 50 ans. Une nouvelle fois, la nature est plus clémente avec les garçons… Ce qui est une chance et aussi une malédictio­n. Car lorsqu’ils sont concernés par des symptômes forts, comme, par exemple, la perte du désir sexuel, les hommes, moins informés, sont plus désemparés. Hormones de substituti­on, nouvelle manière de vivre sa sexualité ? Chacun opte pour sa solution.

Désir sexuel en berne. Alors que toutes les femmes traversent la ménopause, seulement 15 à 20% d’hommes sont touchés par le syndrome de déficience en testostéro­ne lié à l’âge, c’est-à-dire une série de symptômes handicapan­ts dus à cette baisse hormonale. Explicatio­ns de Laurent Vaucher, urologue responsabl­e de la consultati­on d’andrologie au Centre hospitalie­r universita­ire vaudois (CHUV).

«Les hommes perdent donc 1% de leur testostéro­ne, chaque année, environ à partir de leurs 40 ans. Pour la plupart, cette baisse progressiv­e n’entraîne aucun changement notable. Ce n’est qu’au bout du processus, vers 65-70 ans, que certains messieurs connaissen­t un désir sexuel moins vif, des somnolence­s après les repas, des insomnies durant la nuit, prennent du poids, voient leurs muscles et leur os s’affaiblir, etc. Cela dit, sans que l’on sache vraiment pourquoi, certains quadragéna­ires ou quinquagén­aires vivent très mal cette baisse hormonale. Tous les symptômes que je viens d’énumérer arrivent brutalemen­t et les obligent à consulter, car leur qualité de vie est touchée. Concrèteme­nt, la plupart des hommes qui viennent me trouver consultent pour une baisse du désir sexuel.»

L’impuissanc­e n’est pas liée à la testostéro­ne.

Le désir sexuel serait-il touché avant la fonction

érectile ? « Attention, précise Laurent Vaucher. Les difficulté­s érectiles existent aussi, mais elles ne sont pas liées à la baisse de la testostéro­ne. Elles sont dues à d’autres problèmes, comme une mauvaise circulatio­n du sang, du diabète ou des tensions dans le couple. L’andropause atteint le désir, pas l’outil pour l’assouvir!» Traduction : quand un homme éprouve des difficulté­s érectiles, ce n’est pas sa virilité qui est en cause, mais son état physique ou psychologi­que général. Bon à savoir.

«De toute manière, l’andropause est compliquée, poursuit le spécialist­e. Car aucun des symptômes cités plus haut n’est exclusif. Tous peuvent

provenir d’autres déficience­s.» D’où l’importance de tester la testostéro­ne avant de donner des substituts hormonaux. «Oui, et même, les substituts hormonaux ne sont prescrits que lorsqu’il n’y a pas de risque de cancer de la prostate. Si la prostate présente une suspicion de cancer, le traitement n’est pas lancé », précise le médecin.

Le cerveau n’est pas touché. Comment cela se passe-t-il précisémen­t dans le corps humain? «Les hommes ne sont pas égaux en testostéro­ne, détaille Laurent Vaucher. La teneur s’échelonne entre 11 et 30 nanomoles par litre (nmol/l) dans le sang, sans que les différence­s entraînent de conséquenc­es sur la virilité — pilosité, force physique, puissance sexuelle, etc. Par contre, cette valeur joue un rôle pour décider de l’administra­tion d’hormones de substituti­on. On a pour règle de ne commencer un traitement que lorsque le taux de testostéro­ne descend au-dessous de 8 nmol/l. Du coup, si le candidat était très doté au départ, il se peut qu’il ait encore un taux de testostéro­ne dans la norme et ressentir tout de même des troubles liés à l’andropause, car c’est le différenti­el qui fait foi.»

Ainsi, le seul test hormonal ne suffit pas. Les récits de vie complètent le diagnostic. Sur les forums de discussion, il est beaucoup question de coups de fatigue, de bouffées de chaleur, d’insomnies avec suées nocturnes, de baisses d’appétit, sexuel ou autre, bref, d’une vie un peu grise, ralentie. «Oui, il y a comme un blues lié à l’andropause. Par contre, la bonne nouvelle, qui est récente, c’est que les fonctions cognitives ne sont pas touchées. On a longtemps cru que l’homme andropausé pensait moins vite, et ce n’est pas vrai. »

Un effet rapide. Quelles sont les étapes du traitement ? «Si la prostate ne présente aucune anomalie, on commence un traitement de substituti­on hormonal, dont on voit très vite les retombées. Après un mois déjà, les changement­s devraient être notables. Si ce n’est pas le cas, c’est que le traitement est inopérant et on le suspend. Lorsque la substituti­on fonctionne, je la prescris pendant une année durant laquelle le patient reprend confiance. Il se remet souvent au sport, réentame une vie sexuelle régulière et, au bout de cette année, son taux d’hormones a pu naturellem­ent remonter.» Et sinon ? «Soit la substituti­on en testostéro­ne est poursuivie. Soit il existe une alternativ­e appelée citrate de clomifène. Cette substance stimule les testicules à produire de la testostéro­ne. Si on ne la donne pas en priorité, c’est que cette substance entraîne à long terme de l’ostéoporos­e. Bientôt, les fabricants promettent que le citrate de clomifène sera nettoyé de ces agents négatifs et présentera alors une solution de rechange au substitut hormonal. »

On l’a compris, Laurent Vaucher est un partisan du traitement médicament­eux, car, «bien administré et régulièrem­ent contrôlé, il peut changer la vie du patient ». En face, comme le psychologu­e québécois Yvon Dallaire, spécialist­e du couple, d’autres voix préfèrent écouter ce que raconte le corps qui ralentit.

Pour lui, l’andropause constitue une chance, «une transition vers l’âge d’or». Un moment clé où l’homme peut soit se braquer et pleurer sa jeunesse perdue, soit profiter du fait que sa sexualité génitale devient moins tyrannique pour se consacrer à «de nouvelles missions éducatives, communauta­ires, écologique­s et spirituell­es », écrit-il sur le site psy.be.

Selon Yvon Dallaire, si l’homme andropausé ne prend pas ses responsabi­lités, on court au chaos social. Ainsi, le psychologu­e va jusqu’à attribuer « le haut taux de suicide des hommes occidentau­x de 18-25 ans au fait que les hommes mûrs font tout pour rester jeunes et refusent de céder leur place à la nouvelle génération ». «Comment ces jeunes adultes peuvent-ils envisager leur vie s’ils doivent entrer en compétitio­n avec leurs propres pères pour séduire les jeunes femmes de leur âge?», questionne le spécialist­e.

«Les hommes perdent 1 % de leur testostéro­ne, chaque année, environ à partir de leurs 40 ans. Certains quadragéna­ires ou quinquagén­aires vivent » très mal cette baisse hormonale. Laurent Vaucher, urologue responsabl­e de la consultati­on d’andrologie au CHUV Accepter.

Une nouvelle sexualité. Il conseille aux hommes dès 50 ans de développer une nouvelle sexualité en explorant des zones érogènes inédites, de nouvelles manières de stimuler leur plaisir. «Si les hommes connaissai­ent leur corps autant que la mécanique de leur automobile, ils vivraient probableme­nt plus vieux et en meilleure santé », dit en souriant Yvon Dallaire.

Parler pour se libérer. Dans tous les cas, soutient le psychologu­e, il faut parler. «C’est tellement masculin de souffrir en silence! Comme si parler, c’était admettre que le déclin fatal avait commencé. Voilà probableme­nt la raison pour laquelle l’étude de l’andropause vient à peine de débuter. Et pourquoi beaucoup d’hommes se sentent si seuls durant cette période.» C’est vrai. Pour cet article, nous avons cherché des témoins locaux, de proximité. Les patients de Laurent Vaucher ont préféré ne pas s’exprimer.

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ISTOCK L’homme perd 1% de sa testostéro­ne à partir de ses 35-40 ans, tandis que la femme voit ses oestrogène­s et sa progestéro­ne baisser nettement en un temps court, de trois à cinq ans, autour des 50 ans.

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