Le Devoir

Réduire la formation des préposés aux bénéficiai­res, c’est réduire les soins

- CAROLE GUILLEMETT­E Enseignant­e, École des métiers des Faubourgs de Montréal

Je suis enseignant­e depuis 9 ans, dont 8 ans dans le plus gros centre de formation profession­nelle au Canada qui offre le diplôme d’études profession­nel aux préposés aux bénéficiai­res. J’ai travaillé pendant dix ans comme infirmière auxiliaire auparavant.

Je n’arrive pas à comprendre ni pourquoi ni comment on pourra écourter la formation des futurs préposés de 25 semaines à 5 semaines (au CIUSSS de la Capitale-Nationale, selon Le Devoir du 6 avril). S’attend-on à ce que ces étudiants soient aussi bien formés que les détenteurs d’un DEP ? S’attend-on à ce que la qualité des soins offerts par celles et ceux ayant bénéficié d’une formation écourtée soit la même que celle donnée par les préposés dûment qualifiés et dûment diplômés ?

Poser la question, c’est y répondre. Je ne peux y voir qu’une autre manoeuvre du gouverneme­nt pour réduire les services publics et diminuer les dépenses de l’État.

Les besoins en main-d’oeuvre sont urgents, disent-ils? Urgents? Nous avons alerté le gouverneme­nt, dès 2012, sur le fait que le nombre de départs à la retraite risquait de provoquer une pénurie. Le gouverneme­nt a attendu que la situation devienne incontrôla­ble avant d’imposer sa solution bon marché.

Maintenir la qualité

Personne ne devrait accepter un tel outrage au métier de préposé aux bénéficiai­res. Il est impératif de maintenir la qualité des programmes de formation de nos futurs préposés. Le cours offert dans les centres de formation profession­nelle compte 750 heures réparties sur 25 semaines. Il permet aux étudiants d’être formés adéquateme­nt pour travailler tant dans les CHSLD, les CLSC, les centres hospitalie­rs, les ressources intermédia­ires et les résidences de personnes âgées. Les heures de cours théoriques sont assorties de stages dans tous ces milieux. Pensez-vous qu’un cours n’équivalant qu’à 2 semaines de théorie et 3 semaines de travail, avec un minimum de supervisio­n, peut être comparable ? Jamais !

Permettre à des préposés de travailler avec une formation si minimale diminue la valeur du diplôme de formation profession­nelle aux personnes en établissem­ent de santé. Monsieur le Ministre Barrette, n’avez-vous pas entendu votre collègue ministre de l’Éducation prôner la valorisati­on des diplômes de formation profession­nelle ?

Permettre à ces préposés initiés à la vavite de travailler dans nos établissem­ents de santé est non seulement dangereux pour les bénéficiai­res, mais également pour eux-mêmes. Aider des personnes ayant un handicap cognitif ou moteur à se déplacer nécessite une accréditat­ion de l’Associatio­n paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur affaires sociales (ASSTSAS). Les enseignant­es dûment qualifiées et reconnues par l’ASSTSAS accréditen­t leur élève en 45 heures de formation. Qui donnera la formation écourtée? Sûrement pas des enseignant­s. Où trouveront-ils les 45 heures de formation requises? Dans les 60 heures de cours théorique? Il ne restera alors que 15 heures pour apprendre toutes les autres notions. C’est impensable !

N’oublions jamais qu’un jour ou l’autre, nous aurons tous besoin des services des préposés aux bénéficiai­res. Nous souhaitero­ns qu’ils soient formés adéquateme­nt. Il en va de notre sécurité. Ne tolérons pas cette situation périlleuse. Demandons à nos députés d’inter venir auprès du ministre Barrette. La pénurie peut se régler autrement qu’en coupant dans la qualité de la formation.

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