Le Devoir

Québec doit s’attaquer aux paradis fiscaux

- ROBERT DUTRISAC

La Commission des finances publiques (CFP), qui s’était donné au début de 2015 un mandat d’initiative pour se pencher sur le phénomène des paradis fiscaux, a rendu son rapport mercredi, un rapport sérieux et étoffé dans lequel figurent pas moins de 38 recommanda­tions. Saluons d’entrée de jeu le fait que le rapport est le fruit d’une rare unanimité entre parlementa­ires, les élus anti-capitalist­es de Québec solidaire partageant les mêmes vues sur les paradis fiscaux que leurs collègues libéraux, caquistes ou péquistes. En soi, c’est un exploit.

Présidée par le député libéral Raymond Bernier, la CFP a entendu des représenta­nts des banques et du Mouvement Desjardins, des grandes firmes de comptables, de l’Agence du revenu du Québec, du ministère des Finances, de l’Autorité des marchés financiers, d’ATTAC-Québec ainsi qu’une brochette d’experts. Fait à souligner, la commission a procédé à ses travaux alors que fusaient de scandaleus­es révélation­s, que ce soient les Panama Papers, les Bahamas Leaks ou les stratagème­s troubles conçus par KPMG.

Le phénomène des paradis fiscaux n’est pas négligeabl­e: le ministère des Finances estime que les pertes fiscales québécoise­s causées par le recours aux paradis fiscaux oscillent entre 800 millions et un milliard par an tandis que l’Institut de recherche en économie contempora­ine les évalue entre un et deux milliards. Et c’est sans compter l’effet des mécanismes des prix de transfert entre filiales qui permettent aux multinatio­nales d’exporter leurs profits dans des pays à faible fiscalité.

Parmi ses recommanda­tions, la CFP demande au ministère des Finances d’étudier la possibilit­é d’instaurer au Québec une taxe sur les profits détournés (ou Google tax), comme l’ont fait le Royaume-Uni, l’Australie et la France. Québec doit aussi envisager de se soustraire aux convention­s fiscales du Canada, qui permet l’utilisatio­n de paradis fiscaux, comme en fait foi la présence active des grandes banques canadienne­s dans ces refuges financiers.

Raymond Bernier, qui a rappelé que la lutte contre les paradis fiscaux s’inscrit dans un mouvement mondial, au sein de l’OCDE notamment, croit que le gouverneme­nt Couillard donnera suite aux recommanda­tions de la CFP. Nous le souhaitons vivement.

Cela signifie toutefois que le premier ministre Philippe Couillard et son ministre des Finances, Carlos Leitão, devront prendre leur bâton de pèlerin pour convaincre les autres provinces et surtout le gouverneme­nt du Canada, dont le laxisme est critiqué, d’agir dans le même sens. Le Québec ne peut malheureus­ement pas faire cavalier seul.

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