Le Devoir

Commission Chamberlan­d Un autre journalist­e épié

Avant novembre dernier, les policiers de la SQ pouvaient surveiller un journalist­e sans avertir leurs supérieurs

- PHILIPPE PAPINEAU

Le directeur général de la Sûreté du Québec Martin Prud’homme a révélé lors de sa présence à la commission Chamberlan­d qu’un autre cas de journalist­e surveillé a été retrouvé lors d’une recherche interne dans les archives du corps policier, après les révélation­s qui ont fait les manchettes à la fin du mois d’octobre dernier.

Il s’agit du journalist­e Nicolas Saillant, du Journal de Québec. Le reporter n’était pas au courant de ce fait avant l’affirmatio­n de M. Prud’homme devant la commission lundi.

Selon les archives web du quotidien de la Vieille capitale, M. Saillant couvre les affaires judiciaire­s et les faits divers depuis janvier 2012.

M. Prud’homme, qui est entré en poste en 2014, a appris le 20 décembre dernier l’existence de ce cas d’écoute après avoir demandé à son équipe de «reculer dans les 20 années précédente­s » pour vérifier si d’autres cas de journalist­es surveillés s’avéraient.

Déjà, il est su que la SQ avait ciblé en 2013 six journalist­es, dont Marie-Maude Denis, Isabelle Richer et Alain Gravel, de Radio-Canada, et Éric Thibault, du Journal de Montréal.

L’avocat en chef adjoint de la commission Chamberlan­d, Me Charles Levasseur, a expliqué qu’il était au courant du nom du journalist­e, mais qu’il ne possédait pas plus d’informatio­ns sur ce cas précis, car le dossier complet n’a pas encore été transmis par la SQ. «Est-ce que c’est long [comme délai], je vous réfère à la SQ. En fonction des demandes adressées, est-ce que c’est le délai de réponse le plus long? Oui. »

Me Levasseur a expliqué que le dossier ne devrait pas en être un d’écoute électroniq­ue, car la loi prévoit dans ces cas que le principal intéressé soit avisé. «Si c’est une autorisati­on judiciaire, comme une ordonnance de communicat­ion, en vertu du Code criminel les policiers n’ont pas à aviser.»

La commission Chamberlan­d comptait aborder cette question lors des séances factuelles, prévues en mai.

Guy Lapointe, porte-parole de la SQ, n’a pas voulu faire de commentair­es sur le cas de M. Saillant, car les quatre hauts gradés présents n’avaient pas encore terminé leurs témoignage­s, qui reprendron­t mercredi après-midi.

M. Lapointe a expliqué que la commission n’avait pas encore obtenu les documents relatifs à cette écoute car elle n’était pas dans les dossiers prioritair­es de celle-ci.

Dans le noir

Plus tôt dans la journée, la SQ a révélé qu’avant le mois de novembre 2016, moment où les différents cas d’écoutes de journalist­es par des policiers ont été révélés au grand jour, aucune procédure n’existait pour forcer les agents à informer l’état-major de leurs démarches d’enquête sur des membres des médias.

C’est ce qu’a confirmé André Goulet, inspecteur-chef et directeur des enquêtes criminelle­s à la SQ, devant la Commission d’enquête sur la protection de la confidenti­alité des sources journalist­iques.

M. Goulet a expliqué que le directeur général de la SQ, Martin Prud’homme, a soumis au personnel du corps policier une directive le 1er novembre 2016 interdisan­t «toute enquête, surveillan­ce ou vérificati­on concernant un journalist­e ou un membre de la presse si elle n’a pas d’abord été autorisée officielle­ment par un membre de l’état-major ».

La note précise ensuite que «si une surveillan­ce en vertu d’ordonnance­s judiciaire­s était requise », les équipes policières devraient faire appel au Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP) pour «vérifier les demandes de mandats de surveillan­ce visant un journalist­e » avant qu’elles ne soient soumises à un juge de paix, afin d’évaluer la validité des démarches.

Lors que le procureur en chef adjoint Charles Levasseur a demandé à M. Goulet si une procédure existait avant cette date, il a répondu par la négative.

Trois jours après la directive de M. Prud’homme, André Goulet, des enquêtes criminelle­s, a aussi demandé aux enquêteurs de l’informer «très rapidement» de toute démarche concernant les journalist­es. Que les membres des médias soient suspects ou témoins, « ça fonctionne très bien, je suis avisé très rapidement, je peux vous le confirmer », a dit M. Goulet devant la commission Chamberlan­d.

Mardi, la commission Chamberlan­d recevra plusieurs hauts gradés du Service de police de la Ville de Montréal, dont son directeur Philippe Pichet.

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COMMISSION CHAMBERLAN­D Le directeur général de la Sûreté du Québec, Martin Prud’homme, a révélé qu’un autre cas de journalist­e surveillé a été retrouvé dans les archives du corps policier.

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