Le Devoir

Ottawa doit réinvestir en recherche fondamenta­le

Un comité d’experts suggère d’ajouter 485 millions sur quatre ans

- PAULINE GRAVEL

Le gouverneme­nt fédéral doit de toute urgence procéder à un important réinvestis­sement en recherche fondamenta­le si le Canada veut rattraper le retard qu’il a accumulé au cours de la dernière décennie, souligne le rapport déposé lundi par le Comité consultati­f sur l’examen du soutien fédéral à la science fondamenta­le.

En juin 2016, la ministre des Sciences, Kirsty Duncan, a confié à un comité d’experts le mandat d’examiner le financemen­t — et son mode d’attributio­n — que le gouverneme­nt fédéral accorde aux sciences fondamenta­les. Au cours de cet examen, les experts ont confirmé que les dépenses intérieure­s brutes en R et D du Canada ont lentement diminué au cours des 15 dernières années, contrairem­ent aux autres pays du G7 et aux principaux pays d’Asie orientale. De plus, «les scientifiq­ues désirant mener une recherche complèteme­nt indépendan­te ont vu les ressources réelles par chercheur baisser d’environ 35%» entre 2006-2007 et 2013-2014. Ces réductions se sont traduites par une diminution de la production de publicatio­ns de recherche au Canada, qui s’est ainsi fait doubler par l’Italie et l’Inde.

Le comité d’experts presse donc le gouverneme­nt fédéral d’augmenter son investisse­ment dans la recherche indépendan­te de 485 millions échelonnés sur quatre ans afin de redresser le déséquilib­re causé par des investisse­ments ayant favorisé surtout la recherche ciblée.

Les experts ont par ailleurs découvert que les trois conseils subvention­naires, que sont les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) n’avaient fait l’objet d’aucune évaluation externe, soit par des arbitres internatio­naux, depuis 1970. Lors des consultati­ons qu’ils ont menées, les experts ont été informés du «manque de cohérence dans la gouvernanc­e de ces organismes » où « les préférence­s de chacun de leurs présidents jouent un rôle prépondéra­nt », des pratiques d’évaluation par les pairs qui ont souvent divergé, et de l’inefficaci­té de plusieurs programmes de subvention.

Le comité d’experts recommande donc au gouverneme­nt de créer un conseil consultati­f national indépendan­t sur la recherche et l’innovation qui aurait notamment la responsabi­lité de superviser les organismes fédéraux de recherche et d’«améliorer les processus d’évaluation continue des programmes ».

Le comité d’experts estime important de procéder à un examen plus rigoureux des ententes actuelles et futures avec des organismes externes, comme Génome Canada ou Mitacs, et d’effectuer des évaluation­s périodique­s de ces organismes tiers qui reçoivent des fonds du gouverneme­nt fédéral. «Tout le monde dit que ces organismes sont bons mais il n’y a pas de suivi sur leur gouvernanc­e et sur la valeur ajoutée [qu’il génère] », affirme le Scientifiq­ue en chef du Québec, Rémi Quirion, qui est membre du comité.

Les experts ont aussi constaté que la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) a subvention­né de grandes infrastruc­tures scientifiq­ues qui ne s’inséraient «pas vraiment dans une stratégie globale pour le Canada». «Les octrois sont souvent très politiques», a souligné M. Quirion. «De plus, la FCI accorde généraleme­nt un financemen­t pour 4 à 5 ans et ne se préoccupe pas du devenir de l’équipement qu’elle a permis d’acquérir». Le comité croit que si la FCI accepte de subvention­ner une infrastruc­ture, elle devrait également assumer la mise à jour de cet équipement, les frais de fonctionne­ment, incluant le salaire du personnel.

« On espère que le gouverneme­nt prendra acte de nos recommanda­tions et réinvestir­a en recherche fondamenta­le», lance Rémi Quirion. Pour sa part, la ministre Duncan a remercié le groupe d’experts et les «nombreuses personnes qui ont exprimé leurs points de vue durant les consultati­ons publiques et les tables de discussion­s menées par le groupe d’experts». Elle se dit déterminée à définir un modèle dans lequel « le soutien fédéral à la recherche fondamenta­le sera stratégiqu­e et efficace».

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ISTOCK Le Canada a diminué ses dépenses en recherche et développem­ent depuis une quinzaine d’années.

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