Le Devoir

Le Québec semble bien gérer les questions d’accommodem­ents raisonnabl­es

En matière religieuse, l’avis de la Commission des droits de la personne est sollicité seulement une vingtaine de fois par année depuis deux ans

- ISABELLE PORTER à Québec

Les demandes de conseils sur les accommodem­ents raisonnabl­es de type religieux sont en baisse depuis deux ans à la Commission des droits de la personne (CDPDJ) et sont désormais supplantée­s par les demandes faites par les personnes handicapée­s.

Entre avril 2015 et mars 2016, le nombre de demandes de conseils reçus est passé à 20 et ce nombre s’est maintenu ces derniers mois. C’est la moitié de ce qu’on observait les années précédente­s (40 demandes en moyenne).

Depuis la Commission Bouchard-Taylor, la Commission offre un service-conseil en matière d’accommodem­ents raisonnabl­es de type religieux. Le service s’adresse aux employeurs et aux organismes donnant des services. Les conseils sont donnés à titre indicatif et ne sont, dès lors, pas décisionne­ls.

La liste des demandes reçues révèle en outre que les congés religieux sont l’enjeu qui génère le plus de questions. Ainsi en 20152016, de nombreuses demandes provenaien­t d’entreprise­s privées et portaient sur la pratique du ramadan.

Le président d’une compagnie de biocarbura­nt, par exemple, s’inquiétait pour la sécurité parce qu’un de ses employés était affaibli par le jeûne. Chez un fabricant de vêtements de sport, on déplorait que trois employés de la même chaîne de montage aient réclamé des congés en même temps. Au total, huit demandes concernaie­nt la période du ramadan et trois des congés liés à des célébratio­ns juives comme celle du Nouvel An juif en septembre.

Une minorité de demandes étaient toutefois plus complexes comme ce cas d’une étudiante de confession juive qui réclamait du matériel pédagogiqu­e non informatis­é pour pouvoir se préparer à son examen final pendant le Sabbat.

Un seul cas portait sur le port de signes religieux (le voile) et deux concernaie­nt la tenue de prières musulmanes dans des institutio­ns publiques ou des commerces. Enfin, un employeur a contacté le service à propos d’un employé qui exposait une photo de Jésus «de grande dimension» dans son lieu de travail.

En vertu de la Charte, les accommodem­ents sont un corollaire du droit à l’égalité et les organisati­ons doivent chercher à en offrir à ceux qui le demandent. L’accommodem­ent raisonnabl­e est toutefois balisé par le concept de «contrainte excessive» qui protège l’organisati­on ou le milieu de travail.

Un bon signe, selon les experts

Cette baisse suggère que les organismes s’en tirent plutôt bien avec ces questions, croit le professeur Marc-Antoine Dilhac, un expert des enjeux d’inclusion rattaché à l’Université de Montréal. «C’est plutôt encouragea­nt, dit-il. Il y a une forme de jurisprude­nce qui s’est imposée pour des affaires similaires.»

François Rocher, de l’Université d’Ottawa, un spécialist­e des enjeux d’immigratio­n, souligne que même à 40 par an, ce sont de petits nombres et que contrairem­ent à certaines perception­s, la «Commission n’est pas submergée de demandes».

«Mon hypothèse, c’est que les organisati­ons publiques et les entreprise­s ont bien compris la notion d’accommodem­ents et que la société civile réussit assez bien à s’organiser avec ce problème-là. »

M. Dilhac constate en outre que les questionne­ments soulevés sont souvent les mêmes et qu’il est dès lors de plus en plus facile pour les employeurs de savoir quoi faire.

Le record de demandes d’avis reçus sur les accommodem­ents religieux a été établi en 2009-2010 avec 52 dossiers contre 29 pour les personnes avec un handicap qui normalemen­t donnent lieu au plus grand nombre de questions.

Cette tendance s’est depuis renversée. Ainsi en 2015-2016, le Service a reçu deux fois plus de demandes pour des accommodem­ents raisonnabl­es touchant des handicaps que pour des accommodem­ents religieux (57 contre 20).

La Charte des droits et libertés interdit 13 types de discrimina­tions: les discrimina­tions fondées sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientatio­n sexuelle, l’état civil, l’âge (sauf dans la limite prévue par la loi), la religion, les conviction­s politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisatio­n d’un moyen pour pallier ce handicap.

En plus d’offrir des conseils au cas par cas, la Commission des droits de la personne a créé un guide fournissan­t aux employeurs une démarche par étapes pour encadrer le processus.

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