Le Devoir

Le salage des routes accroît la salinité des lacs nord-américains

- JEAN-LOUIS SANTINI à Washington

Le salage massif des routes en hiver accroît la salinité des lacs d’eau douce en Amérique du Nord, ce qui risque d’altérer durablemen­t ces écosystème­s aquatiques.

Une étude publiée lundi indique qu’une grande partie des 371 lacs dans le centre-ouest et le nord-est des États-Unis et au Canada dont l’eau a été analysée connaissen­t une salinisati­on croissante et durable.

«Nous avons analysé les données sur une longue période et nous avons comparé les concentrat­ions de chlorure dans les lacs et réservoirs d’eau douce américains au climat et aux différente­s utilisatio­ns des sols pour déterminer comment et pourquoi la salinisati­on change sur de vastes échelles géographiq­ues», explique Hilary Dugan, une limnologue à l’Université du Wisconsin-Madison.

Elle est l’un des principaux auteurs de ces travaux parus dans la dernière édition des Comptes rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS). Jugeant cette situation «consternan­te», cette scientifiq­ue déplore le fait que «des projets de développem­ent immobilier sur une petite partie du bord des lacs se traduisent par des risques importants de salinisati­on de ces étendues d’eau» avec le salage des routes d’accès en hiver.

Chaque lac étudié avait une étendue de plus de quatre hectares avec au moins dix ans de données sur la teneur de l’eau en sel.

La majorité des lacs (284) sont situés dans le nord, dont les États du Connecticu­t, du Maine, du Massachuse­tts, du Michigan, du Minnesota, du New Hampshire, de New York, du Rhode Island, du Vermont, du Wisconsin ainsi que dans la province canadienne de l’Ontario.

23 millions de tonnes

Depuis les années 1940, l’utilisatio­n du sel sur les routes en hiver pour permettre la circulatio­n a fortement augmenté. Ainsi, chaque année, quelque 23 millions de tonnes de chlorure de sodium sont utilisées pour faire fondre la glace et la neige sur le réseau routier nord-américain, précisent les auteurs de cette étude.

La plus grande partie de ce sel se retrouve dans les systèmes aquatiques et est considéré comme une source majeure de pollution des nappes d’eau souterrain­es, des cours d’eau, des rivières et des lacs, soulignent ces scientifiq­ues.

Pour mesurer les quantités de sel déversées sur les chaussées et trottoirs, les chercheurs ont évalué la densité du trafic et les zones desservies dans un rayon de 100 à 1500 mètres autour des 371 lacs étudiés.

Les résultats sont clairs: les voies de circulatio­n situées à l’intérieur d’un rayon de 500 mètres d’une rive d’un lac sont de solides indicateur­s de concentrat­ions élevées de chlorure dans l’eau.

Quand les résultats de cette étude sont extrapolés à l’ensemble des lacs dans le nord du continent nord-américain, quelque 7770 lacs pourraient faire face à un accroissem­ent de la salinité de leurs eaux.

Si la salinisati­on actuelle se poursuit, un grand nombre de ces lacs dépasseron­t dans les 50 ans la concentrat­ion maximale de salinité recommandé­e par l’Agence américaine de protection de l’environnem­ent (EPA) établie à 230 milligramm­es par litre (mg/L).

«Ces résultats sont probableme­nt une sous-estimation du problème de salinisati­on, alors que certaines régions où les routes font l’objet d’un salage intensif en hiver, comme le Québec et les provinces maritimes du Canada, ne fournissen­t plus les données sur la salinisati­on de leurs lacs », relève Sarah Bartlett, une chercheuse de l’Université du Wisconsin-Milwaukee, l’une des coauteurs.

Dans les lacs où les niveaux de chlorure de sodium sont élevés, les population­s de poissons et d’invertébré­s ont été altérées, ainsi que le plancton qui forme la base de la chaîne alimentair­e aquatique.

La diversité des espèces aquatiques et leur abondance peuvent diminuer et dans des cas extrêmes de salinisati­on, les eaux sont faiblement oxygénées, réduisant la vie dans les lacs.

Quelque 7770 lacs pourraient faire face à un accroissem­ent de leur salinité

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