Le Devoir

La prime au mérite. Vraiment?

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Depuis quelques jours, on discute beaucoup des hausses de salaire que se sont octroyées les dirigeants de Bombardier. Entendre M. Bellemare justifier cette rémunérati­on tout en insistant sur son attachemen­t au Québec et sur son respect pour la population qui, ni plus ni moins, le subvention­nait était gênant. Cela dit, ce qui m’étonne ce n’est pas tant que ces gens imbus d’eux-mêmes considèren­t que tout cet argent leur est dû. Non, ce qui m’étonne le plus, c’est que rares sont les voix qui s’élèvent pour remettre en question la légitimité du principe qui veut que quelques administra­teurs aient droit à des millions de salaire et de primes du moment qu’une compagnie donne un bon rendement comme si la performanc­e de cette compagnie n’était que le résultat du « génie » de ses gestionnai­res. Bien sûr, il faut de la compétence en haut lieu, mais n’est-il pas permis de penser que le succès d’une entreprise est aussi la résultante du travail et de la compétence de tous ceux qui y travaillen­t? Et peut-être aussi de la société qui les a formés? Les gestionnai­res seuls ne produisent rien (chez Bombardier, par exemple, sans travailleu­rs, qu’ils soient mécanicien­s ou ingénieurs, pas d’avions, pas de wagons de métro…). Pourquoi, alors, adhéronsno­us si facilement à cette idée qu’une poignée d’administra­teurs méritent d’être rétribués cent voire deux cents fois le salaire moyen d’un employé de l’entreprise? Naturellem­ent, cette question en fait naître des dizaines d’autres qui concernent l’équité sociale et je m’arrêterai ici. Néanmoins, il me semble urgent que nous développio­ns une saine résistance critique face à l’argumentai­re tordu de cette noblesse du XXIe siècle. Manon Gingras Le 4 avril 2017

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