Le bonapartisme, un culte qui met tout le monde d’accord
Dans Le Devoir du 11 avril, M. Gabriel Na de au-Du bois déconstruisait avec une certaine justesse l’ engouementpour le thème du« populisme », terme valise pour ranger sous un même concept ceux et celles qui soulignent les failles des démocraties libérales actuelles, qu’elles soient de gauche ou de droite.
Pourtant, un élément n’apparaissait pas dans cette déconstruction, un élément qui nourrit autant le populisme que ses opposants et qui fait en sorte que, derrière les espoirs qu’elles suscitent, les promesses populistes sont creuses. Cet élément, c’est le bonapartisme, c’est-à-dire le culte du chef. Cette faculté d’idolâtrer les leaders, au point de faire des primaires, des courses à la chefferie ou des nominations de candidats célèbres (qu’ils soient chefs d’entreprise ou anciens militants étudiants) des événements de portée nationale, en dit long sur la conception de la démocratie partagée par l’ensemble de l’échiquier politique aux États-Unis, en France, mais aussi au Québec. Comment est-on passé d’une conception de la démocratie comme gouvernement collectif, comme système promouvant l’action collective et citoyenne, à celle où s’en remettre à la figure d’un héros plébiscité est perçu comme un acte de foi indispensable ?
Une aura de sainteté
On sait pourtant que c’est une vue de l’esprit. Un parti ne se réduit jamais à sa tête; sans le travail acharné de ses militants, de sa base et de ses administrateurs, les chefs ne resteraient souvent qu’au stade de célèbres inconnus. La verve, le charisme ou la culture d’un chef ou d’un autre ne suffisent pas non plus à en expliquer la béatification. Il faut, pour donner une légitimité personnelle à un chef, se le représenter comme tel, c’est-à-dire au travers de mécanismes conscients de promotion de l’individu. Un travail dont la responsabilité revient aux médias, mais aussi aux directions des partis. Gabriel Nadeau-Dubois le sait bien, lui qui, à sa manière, après avoir bénéficié d’une couverture inégalée (même en comparaison avec les anciens co-porte-parole de la CLASSE), s’est vu oindre d’une aura de sainteté par QS dans Gouin, suivant des pratiques et des protocoles qui ont vu d’autres célébrités être adoubées par d’autres partis politiques.
Il n’y a pourtant pas de fatalité dans cet état de fait; celui-ci correspond à des choix conscients de céder à une certaine facilité. Il est en effet toujours plus aisé de persuader que de convaincre, pas besoin pour ce faire de mobiliser trop de chiffres, d’arguments, de programmes. Il en faut juste assez pour servir d’accompagnement à un individu dont la personnalité fait l’objet d’une mise en scène permanente.
Dire cela ne revient pas non plus à nier la dimension performative de la politique. La politique, comme l’ont dit nombre de philosophes, penseurs et intellectuels depuis l’Antiquité, se compare au théâtre: elle est indissociable d’une dimension de jeu et de représentation. Mais au théâtre, comme à l’opéra, s’il existe des solistes, il existe aussi des choeurs et un orchestre.
Il faut, pour donner une légitimité personnelle à un chef, se le représenter comme tel, c’est-à-dire au travers de mécanismes conscients de promotion de l’individu