Mark Wainberg, humaniste, visionnaire et pionnier de la lutte contre le sida
Mark Wainberg, disparu cette semaine, disait souvent que sa carrière était davantage marquée par des réalisations politiques que des avancées scientifiques. Mark bousculait complètement l’image qu’on se fait d’un scientifique dans son laboratoire. Il avait compris bien avant l’heure qu’il fallait que les découvertes scientifiques servent d’abord aux patients. Si ses publications dans les revues les plus prestigieuses étaient impressionnantes, ses batailles l’étaient davantage.
Mark a été présent dès les débuts de l’épidémie, à l’époque où le VIH n’était pas encore identifié mais sera isolé, en 1983, par une de ses consoeurs et amie, Françoise Barré-Sinoussi, chercheuse dans le laboratoire de Luc Montagnier. Mark Wainberg a grandement contribué aux avancées thérapeutiques exceptionnelles pour combattre le VIH. En 1989, il participe à la découverte du 3TC, un antirétroviral (ARV) qui va permettre de sauver la vie de millions de personnes et qui continue de le faire. Les travaux de son laboratoire sur la résistance aux ARV ont été fondamentaux pour améliorer la prise en charge des patients.
Il était là lorsque, en l’absence de traitements, les médecins, impuissants et démunis, regardaient leurs patients mourir les uns après les autres. Il assistait aux funérailles avec nous. Il s’est battu à nos côtés pour faire reconnaître au VIH un statut particulier et garantir un financement pour la prévention, les soins et la recherche. Il a écouté et entendu les exigences des organismes communautaires dans l’accès aux soins compassionnels, notamment. Il a milité avec nous pour la réduction des méfaits et contre la discrimination.
Un homme engagé
Mark était sur tous les terrains: les sciences fondamentales, la recherche clinique, les sciences comportementales, l’accès aux soins, au Québec et ailleurs. Il s’est engagé pour reconnaître les droits des populations vulnérables, les personnes vivant avec le VIH, les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, les usagers de drogue, les travailleuses du sexe. Des populations qui l’éloignaient fort des préoccupations de son laboratoire. Mark était — à lui seul — un réseau multidisciplinaire.
Réseau multidisciplinaire et planétaire. En 2000, il organise le congrès international sur le sida en Afrique du Sud pour provoquer l’accès aux traitements sur ce continent. C’est grâce à cette action fondatrice que Mark Wainberg va contribuer à réduire la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Mark, c’était avant tout une conscience aiguë de la justice sociale dans les communautés. Dans l’histoire du VIH, il a pris plusieurs causes à bras-le-corps et les a fait monter petit à petit dans les programmes politiques pour arriver à ses fins. Sa bataille la plus récente était l’accès à la nouvelle génération de traitements en Afrique pour éviter le développement de résistances aux ARV.
Et puis, il faut aussi se souvenir de son sens de l’humour, de son sourire, de son humilité, de sa gentillesse, de sa générosité, de son amour du Québec et de la langue française, des adverbes qu’il utilisait sans cesse pour ponctuer ses propos: honnêtement, effectivement, évidemment… Il faut se rappeler son humanisme, son ignorance totale des préjugés, son immense ouverture d’esprit.
Il y a quelques jours, à l’occasion du congrès canadien sur le VIH, Mark disait qu’il n’était pas encore sur le point de prendre sa retraite. Il avait effectivement encore beaucoup de choses à nous apprendre et beaucoup de combats à mener à nos côtés. Il nous laisse sur notre faim, orphelins d’un immense leader politique en matière de combats contre la vulnérabilité et l’inégalité sociales dans l’accès à la prévention, aux soins et aux traitements. On dit souvent que personne n’est irremplaçable. Mark l’était. Son héritage est précieux. Mark Wainberg est un grand homme qui a laissé une marque profonde dans le monde depuis les trente dernières années.
Amitiés, Dr Wainberg, tu nous manques profondément.
Il s’est battu à nos côtés pour faire reconnaître au VIH un statut particulier et garantir un financement pour la prévention, les soins et la recherche