Le Devoir

Les errances du gouverneme­nt Trudeau sur la marijuana

- MARIA MOURANI

Allons droit au but! L’argument central que nous rabâche Justin Trudeau : enlever des mains du crime organisé ce produit. C’est bien mal connaître les groupes criminels! Non seulement ils entreront dans le marché dit légal, mais ils développer­ont aussi un marché parallèle où la marijuana coûtera moins cher et sera vendue aux mineurs. D’ailleurs, c’est actuelleme­nt le cas pour le tabac, dont la contreband­e est entre les mains du crime organisé. Au Québec, 40 % des cigarettes sont achetées dans le marché noir. Croyez-vous vraiment que cela sera différent pour la marijuana? Selon le rapport du Directeur parlementa­ire du budget (DPB 2016), durant la première année de sa légalisati­on au Colorado, en 2014, près de la moitié (de 40% à 60%) du cannabis consommé par les résidants provenait du marché illicite. Le prix et la fréquence de consommati­on sont des facteurs importants dans la décision de s’approvisio­nner sur le marché légal ou illicite. Notons que le Colorado est devenu le plus grand producteur de marijuana illégale après la Californie.

Le deuxième argument fallacieux : diminuer la consommati­on des jeunes!? Toujours selon le rapport du DPB, la légalisati­on entraînera une augmentati­on de 1,7 million des consommate­urs en quatre ans, dont plus du tiers (36,4%) feront partie du groupe des 15 à 24 ans ! Où croyez-vous que ces enfants vont se procurer la marijuana? À la SAQ? Non seulement le crime organisé ne va pas chômer, mais il va avoir de nouveaux clients ! Bonne chance aux parents ! Or plusieurs études démontrent que nos programmes de prévention fonctionne­nt auprès des jeunes, puisqu’on assiste, depuis plusieurs années, à une diminution constante de la consommati­on des drogues.

Le troisième argument avancé, plutôt absurde: désengorge­r les tribunaux en ne criminalis­ant pas la consommati­on de cannabis. Bonne idée! Est-ce que quelqu’un à Ottawa peut expliquer à Justin Trudeau qu’il existe une mesure qu’on appelle décriminal­isation, et qu’il pourrait l’utiliser pour la possession simple de marijuana? Il arriverait au même objectif sans légaliser une drogue.

Un cas de santé publique

Dernier point et non le moindre : la santé publique! La banalisati­on de la marijuana n’enlève rien à sa nocivité. Nonobstant les problèmes respiratoi­res et de dépendance, plusieurs études ont démontré que la marijuana agit, notamment, sur les récepteurs chimiques associés à l’apprentiss­age, sur la prise de décisions, la motivation, et qu’elle perturbe le développem­ent du cerveau des jeunes (affectant la mémoire, la coordinati­on, les sensations). Elle augmente aussi les risques de développer des problèmes de santé mentale à l’âge adulte. Au dire du professeur Didier Jutras-Aswad, de l’Université de Montréal, certains individus auraient même une prédisposi­tion génétique ou psychologi­que à développer des effets négatifs et une dépendance au produit. Et que dire aussi de la fumée secondaire? Au Colorado, l’hospitalis­ation des enfants et des nouveau-nés pour des bronchioli­tes est devenue un problème majeur de santé pédiatriqu­e. La présence de THC dans l’urine de ces enfants est passée de 10% à 24%!

Les enfants et les adolescent­s sont les derniers servis dans ce monde, et le Canada ne fait pas exception à cette règle. Ils sont les premières victimes des mauvaises décisions des États. Au lieu de créer des conditions favorisant la toxicomani­e chez les jeunes Canadiens, Justin Trudeau devrait plutôt s’occuper de la pauvreté infantile. En tant que criminolog­ue, je vois tous les jours les effets dévastateu­rs de la drogue sur les jeunes, en l’occurrence la marijuana. J’appréhende déjà l’héritage Trudeau 2.0.

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