Cette misère mondialisée
X Quinientos dessine trois destins parallèles déchirés par une même blessure
X QUINIENTOS ★★★
Drame de Juan Andrés Arango. Avec Jembie Almazan, Bernardo Garnica Cruz, Jonathan Diaz Angulo. Canada–Mexique–Colombie, 2016, 104 minutes.
Pas tout à fait un film à sketchs et pas vraiment un récit aux destins entrecroisés dans une même ville (Sin City, Crash) ou à l’échelle planétaire (Babel), X Quinientos tisse des liens plus ténus entre des personnages qui ne se connaissent pas. Et qui ne se connaîtront jamais.
Ils sont tous préoccupés par leur survie, le plus souvent confinés dans des quartiers ou des villages où la pauvreté a depuis longtemps pris racine, et n’ont guère le temps de participer à la grande fête de la mondialisation ; ils en subissent plutôt les cruelles conséquences. Voilà la thèse que défend le cinéaste d’origine colombienne Juan Andrés Arango (La Playa D. C.), établi à Montréal depuis plusieurs années et qui s’approprie sa ville d’adoption dans un des trois segments de X Quinientos.
Dans un style visuel évoquant le cinéma social d’Alain Tanner et des frères Dardenne (la caméra à l’épaule suit souvent de près, et de dos, les personnages dans leurs pérégrinations angoissées), ce drame alterne entre les paysages contrastés (Mexique, Colombie et Canada) pour mieux témoigner d’une même impasse. Car les trois héros, défendus par des acteurs non professionnels, subissent tout à la fois le déracinement, la solitude, et bien sûr les assauts répétés d’un environnement sans pitié.
D’abord, David (Bernardo Garnica Cruz), un paysan mexicain fraîchement débarqué à Mexico, découvre la violence des gangs de rue et la transgression libératrice de la culture punk. Ensuite, Alex (Jonathan Diaz Angulo), un pêcheur colombien de retour dans son village après un séjour pas très glorieux aux États-Unis, craint de voir son jeune frère emprunter le même chemin chaotique. Finalement, Maria (Jembie Almazan), une adolescente de Manille venue s’installer chez sa grand-mère à Montréal, adopte des comportements agressifs qui désarçonnent son entourage. Pour chacun d’eux, marqués par la mort d’un être cher, adhérer à d’étranges rituels et défier les mécréants deviennent des stratégies de survie, et des occasions de changement.
Il s’agit aussi d’une dernière planche de salut tant ces personnages se voient forcés de jouer avec le feu — certains, littéralement… —, d’affronter un danger imminent, évoluant dans des lieux impitoyables à l’égard des plus faibles. Cette détresse et ces misères, jamais enjolivées à l’écran, ne semblent pas si éloignées de la réalité des acteurs qui les incarnent, malgré un jeu parfois figé, surtout dans la portion mexicaine. La fenêtre montréalaise s’ouvre sur un monde d’une banalité confondante, et où la seule virée touristique, le temps d’une image du centreville, symbolise un leurre dans lequel Maria s’est engouffrée.
Dans X Quinientos, l’Amérique devient un immense carrefour de toutes les souffrances, mais aussi de tous les espoirs. Il faut toutefois adhérer à cette idée que ces héros de la misère mondialisée s’effleurent (grâce au montage) pour les besoins d’une démonstration à caractère politique. L’émotion s’y pointe à l’occasion, mais ce n’est jamais la qualité dominante des films à thèse.