Pas d’échappatoire pour les autorisations judiciaires
Le DPCP souligne la nécessité de former policiers, médias et procureurs
Un des procureurs en chef du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), Me Patrick Michel, a nié devant la commission Chamberland qu’il existait une réelle échappatoire dans le Code criminel permettant aux policiers de ne pas demander d’autorisations judiciaires.
En ouverture de la Commission d’enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques, le 3 avril, Me Jean-Claude Hébert avait lors d’une conférence expliqué qu’«omettre d’aller voir un juge pour demander une autorisation judiciaire, si on passe par le canal de l’article 25.1, ça peut être légal», avant d’ajouter qu’il fallait pour ce faire l’autorisation d’un supérieur, que la demande implique une activité criminelle et que le policier estime son action juste et proportionnelle.
Ce qui n’est pas le cas de l’avis du DPCP. «La structure de l’article ne permet pas une telle chose », a expliqué Me Erika Porter, procureure aux poursuites criminelles et pénales au DPCP. Son confrère Me Michel, le procureur en chef du Bureau du service juridique, a ajouté en rencontre avec les journalistes qu’il n’avait pas eu la chance d’entendre les propos de Me Hébert, qui n’était pas un témoin officiel à la Commission. Il reste que, si une écoute était faite «sans autorisation judiciaire et qu’elle n’était pas faite dans le cadre d’un danger éminent, [ou alors faite dans le cadre] des exceptions à l’autorisation, le policier se trouve à commettre une infraction criminelle», a-t-il expliqué. La preuve ainsi ramassée ne serait également pas admissible lors d’un procès.
Formation
Les deux procureurs ont passé de longs moments devant la commission Chamberland pour expliquer le rôle du DPCP et pour livrer un cours de vocabulaire judiciaire 101, décryptant les différents types d’ordonnance judiciaire, par exemple. Me Erika Porter a d’ailleurs terminé sa présentation en affirmant qu’il y avait «une nécessité de formation» pour les médias, les procureurs et les policiers. «Il y a beaucoup de notions qui ne sont pas comprises dans leur pleine finesse, avec toutes les nuances. C’est compréhensible avec la vitesse avec laquelle le droit s’est développé.»
Même le cadre de la commission Chamberland n’est pas simple, a-t-elle ajouté après son témoignage. «Il y a deux droits qui sont complexes, le droit des médias et le droit criminel, qui évoluent par la jurisprudence. En plus, on est dans le domaine de la technologie, qui est en pleine explosion. Et il faut essayer d’amalgamer tout ça. Là, on a besoin de trouver des solutions et de s’adapter. »
Cet été, a expliqué Me Michel, le DPCP axera d’ailleurs ses formations sur les enjeux entourant les médias, entre autres sur la portée du privilège des sources journalistiques.
Par ailleurs, depuis le 8 novembre, une directive du ministère de la Sécurité publique exige qu’on l’avise de toute demande d’autorisation judiciaire concernant les journalistes. Me Michel a confirmé qu’aucune requête n’avait été faite depuis, précisant que de tels mandats restaient « hors du commun ».