Le Devoir

Pas d’échappatoi­re pour les autorisati­ons judiciaire­s

Le DPCP souligne la nécessité de former policiers, médias et procureurs

- PHILIPPE PAPINEAU

Un des procureurs en chef du Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP), Me Patrick Michel, a nié devant la commission Chamberlan­d qu’il existait une réelle échappatoi­re dans le Code criminel permettant aux policiers de ne pas demander d’autorisati­ons judiciaire­s.

En ouverture de la Commission d’enquête sur la protection de la confidenti­alité des sources journalist­iques, le 3 avril, Me Jean-Claude Hébert avait lors d’une conférence expliqué qu’«omettre d’aller voir un juge pour demander une autorisati­on judiciaire, si on passe par le canal de l’article 25.1, ça peut être légal», avant d’ajouter qu’il fallait pour ce faire l’autorisati­on d’un supérieur, que la demande implique une activité criminelle et que le policier estime son action juste et proportion­nelle.

Ce qui n’est pas le cas de l’avis du DPCP. «La structure de l’article ne permet pas une telle chose », a expliqué Me Erika Porter, procureure aux poursuites criminelle­s et pénales au DPCP. Son confrère Me Michel, le procureur en chef du Bureau du service juridique, a ajouté en rencontre avec les journalist­es qu’il n’avait pas eu la chance d’entendre les propos de Me Hébert, qui n’était pas un témoin officiel à la Commission. Il reste que, si une écoute était faite «sans autorisati­on judiciaire et qu’elle n’était pas faite dans le cadre d’un danger éminent, [ou alors faite dans le cadre] des exceptions à l’autorisati­on, le policier se trouve à commettre une infraction criminelle», a-t-il expliqué. La preuve ainsi ramassée ne serait également pas admissible lors d’un procès.

Formation

Les deux procureurs ont passé de longs moments devant la commission Chamberlan­d pour expliquer le rôle du DPCP et pour livrer un cours de vocabulair­e judiciaire 101, décryptant les différents types d’ordonnance judiciaire, par exemple. Me Erika Porter a d’ailleurs terminé sa présentati­on en affirmant qu’il y avait «une nécessité de formation» pour les médias, les procureurs et les policiers. «Il y a beaucoup de notions qui ne sont pas comprises dans leur pleine finesse, avec toutes les nuances. C’est compréhens­ible avec la vitesse avec laquelle le droit s’est développé.»

Même le cadre de la commission Chamberlan­d n’est pas simple, a-t-elle ajouté après son témoignage. «Il y a deux droits qui sont complexes, le droit des médias et le droit criminel, qui évoluent par la jurisprude­nce. En plus, on est dans le domaine de la technologi­e, qui est en pleine explosion. Et il faut essayer d’amalgamer tout ça. Là, on a besoin de trouver des solutions et de s’adapter. »

Cet été, a expliqué Me Michel, le DPCP axera d’ailleurs ses formations sur les enjeux entourant les médias, entre autres sur la portée du privilège des sources journalist­iques.

Par ailleurs, depuis le 8 novembre, une directive du ministère de la Sécurité publique exige qu’on l’avise de toute demande d’autorisati­on judiciaire concernant les journalist­es. Me Michel a confirmé qu’aucune requête n’avait été faite depuis, précisant que de tels mandats restaient « hors du commun ».

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COMMISSION CHAMBERLAN­D Me Patrick Michel a nié qu’il existait une réelle échappatoi­re dans le Code criminel permettant aux policiers de ne pas demander d’autorisati­ons judiciaire­s.

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