Le Devoir

Québec devra indemniser deux autres pétrolière­s

- ALEXANDRE SHIELDS

En plus de négocier le paiement de millions de dollars pour mettre fin au contrat d’exploratio­n pétrolière sur l’île d’Anticosti avec Pétrolia et Corridor Ressources, le gouverneme­nt Couillard doit aussi conclure une entente d’indemnisat­ion avec deux autres entreprise­s, dont Junex, qui détient près de 1000km2 de permis d’exploratio­n sur l’île. Une situation qui devrait faire gonfler la facture pour l’État québécois.

Le cabinet du ministre des Finances, Carlos Leitão, a confirmé les informatio­ns obtenues par Le Devoir selon lesquelles les négociatio­ns entamées par Québec avec Pétrolia et Corridor Resources ne sont pas les seules. «Le mandat des négociateu­rs couvre l’ensemble des détenteurs de permis sur l’île d’Anticosti», a précisé, par écrit, le cabinet du ministre.

Les deux avocats mandatés par le gouverneme­nt — et qui ont obtenu chacun un contrat de 300 000 $ — doivent ainsi mener des négociatio­ns avec l’entreprise Junex. Celles-ci sont censées aboutir, selon la volonté du gouverneme­nt, au retrait de tous les permis d’exploratio­n pé- trolière et gazière sur le territoire de la plus grande île du Québec. Il s’agit d’une étape essentiell­e en vue de la protection intégrale d’Anticosti, promise pour 2020, mais aussi pour une éventuelle inscriptio­n sur la prestigieu­se liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Junex détient depuis 2007 un total de cinq permis d’exploratio­n pétrolière le long de la côte sud de l’île. Ces permis, acquis au départ pour un coût annuel de 10 ¢ l’hectare, couvrent une superficie de 944km2. Selon ce qu’affirme l’entreprise sur son site Web, une partie du territoire couvert par ses permis pourrait « démontrer l’existence d’une accumulati­on importante d’hydrocarbu­res », alors que « les couches sédimentai­res plus profondes comportent également un excellent potentiel pétrolier et gazier ».

Potentiel prometteur

Au moment de la signature du contrat entre le gouverneme­nt, Pétrolia et Corridor Resources en 2014, il avait d’ailleurs été annoncé que Junex pourrait également conclure une entente avec Québec. Celle-ci aurait mené à un programme d’exploratio­n en deux étapes d’un montant de 90 millions de dollars financé en totalité par Ressources Québec et un troisième partenaire de l’industrie qui restait à trouver. Finalement, aucune entente n’a été signée, faute de troisième partenaire.

Sur la page Web consacrée à ses « activités » sur Anticosti, Junex précise en outre qu’elle n’avait pas «l’intention d’investir sur ses propriétés d’Anticosti avant de connaître les résultats des travaux de forages qui seront réalisés par le consortium Hydrocarbu­res Anticosti».

Contactée par Le Devoir, Junex n’a pas nié avoir entrepris des négociatio­ns en vue de l’annulation de ses cinq permis d’exploratio­n. L’entreprise n’a toutefois pas précisé si elle était prête à négocier une entente « équitable » en vue de l’annulation de ses droits d’exploratio­n. «Nous n’avons malheureus­ement pas l’intention de commenter publiqueme­nt ce dossier pour le moment », a simplement répondu Dave Pépin, vice-président aux affaires de l’entreprise de Junex.

Le gouverneme­nt Couillard doit par ailleurs s’entendre avec une autre entreprise, Transameri­can Energy, qui détient depuis 2009 un seul permis d’exploratio­n sur Anticosti, d’une superficie de 80km2. Cette entreprise de Vancouver est peu connue au Québec. Elle a déjà détenu des droits d’exploratio­n sur l’île Verte et l’île aux Grues, dans l’estuaire du Saint-Laurent. Il n’a pas été possible d’obtenir de commentair­es de l’entreprise.

Compensati­on nécessaire

Un avocat bien au fait de ce type de dossier a fait valoir que Junex et Transameri­can Energy seraient en droit de réclamer une compensati­on pour l’abandon de leurs permis d’exploratio­n, qui ont été acquis en respectant les règles en vigueur au Québec. Comme le choix de retirer ces droits relève d’une décision politique, le gouverneme­nt devra être «beau joueur» et offrir un dédommagem­ent, selon lui. Il estime d’ailleurs que cela permettrai­t d’envoyer un signal plus « positif » aux investisse­urs qu’un simple retrait, «qui serait comme une mesure arbitraire ».

Ces éventuelle­s compensati­ons s’ajouteraie­nt à celle négociée présenteme­nt avec Pétrolia et Corridor Resources, partenaire­s du gouverneme­nt dans le projet Hydrocarbu­res Anticosti. Selon ce que révélait récemment Le Devoir, les deux entreprise­s réclamerai­ent une somme de 200 millions de dollars pour mettre fin au contrat. Il s’agit de la valeur qui aurait été accordée aux permis d’exploratio­n dans le cadre du contrat signé en 2014 par le gouverneme­nt péquiste de Pauline Marois. Ce contrat n’a cependant jamais été rendu public.

Les 38 permis cédés par les deux entreprise­s couvrent une superficie de 6195km2 sur l’île d’Anticosti. Selon les informatio­ns fournies par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, les entreprise­s ont déboursé, entre 2009 et 2013, un total de 310 000$ pour conserver leurs droits d’exploratio­n sur Anticosti, à raison de 10$ par kilomètre carré.

Le ministre des Finances, Carlos Leitão, ne s’est pas avancé sur les sommes qui pourraient être accordées aux entreprise­s pour mettre fin à la saga pétrolière sur Anticosti. «Nous avons des marges importante­s qui nous permettron­t de faire face à de telles éventualit­és », s’est-il contenté de répondre.

Junex possède les droits d’exploratio­n sur un territoire de 944 km2

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PIERRE LAHOUD Le village de Port-Menier, sur l’île d’Anticosti

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