L’autre vie d’un mariachi
L’héritage d’Expo 67, c’est aussi tous ces gens qui, ayant eu un coup de coeur ou ayant rencontré l’âme soeur, ont décidé de s’installer à Montréal.
Des clubs et des bars du Mexique au restaurant casa Figueroa, rue Beaubien, en passant par les boîtes de nuit du centre-ville de Montréal et des spectacles dans plusieurs endroits du monde, le cours de la vie du mariachi mexicain Don José Figueroa a un jour changé pour une raison : Expo 67.
«Mon père était venu à Montréal en 1967 pour jouer au pavillon du Mexique, raconte son fils José Luis, qui s’occupe aujourd’hui de l’entreprise familiale Mariachis Figueroa. Le propriétaire d’une boîte de nuit, un Grec, avait entendu mon père et quand l’Expo a fini, il lui a demandé de venir jouer pour lui.»
Six jours sur sept, six mois par année, Don José — qui depuis l’âge de huit ans jouait de la guitare, du violon, et chantait, dit-on, comme un rossignol — ravissait les clients de l’Empress Lounge, rue Metcalfe, le repère des Latinos de l’époque. Venu rejoindre son père en 1970, alors âgé de 16 ans, José Luis se souvient avec bonheur de cette époque. «C’était des belles années. Les propriétaires de la place étaient incroyables. On était très bien reçus. C’était vraiment une belle expérience. »
Au fil des ans, Don José a réussi à faire venir toute sa famille à Montréal, sa femme et ses 11 enfants, et même le beau-frère. Le clan Figueroa a longtemps fait les beaux jours — plutôt les belles nuits — du Venus de Milo, un club non loin de là, rue Sainte-Catherine, avant de travailler à son compte un peu partout dans la métropole et ailleurs au Québec. «C’est une dynastie de mariachis!» s’enorgueillissent les Figueroa.
« Je crois au destin », affirme José Luis, fils du mariachi patriarche. Peu de temps avant l’Expo, la famille avait tout vendu et était sur le point de s’installer au Colorado, là où la vie serait plus facile pour une famille de musiciens.
Au Mexique, les temps étaient durs. Don José, qui était du célèbre groupe Mariachi Vargas, jouait dans toutes sortes d’endroits plus ou moins sûrs, où la tequila — et la connerie des rustres — coulait à flots. Souvent fatigué à la fin de ces soirées interminables, le groupe devait jouer jusqu’à l’épuisement, à la pointe du fusil. «Il ne l’a pas eu facile, mon père », poursuit son fils.
Mais une petite entorse au destin lui a finalement fait prendre la route du Nord. Le designer du pavillon mexicain à la Foire internationale de New York, en 1965, où Don José avait joué, s’est souvenu de lui lorsque fut le temps de répéter l’expérience à Expo 67, à Montréal. «Mon père a aimé le Québec dès qu’il y a mis les pieds. Il ne cessait de vanter la vie ici», insiste José Luis. Coiffés de leurs sombreros, les Figueroa — aujourd’hui une douzaine de musiciens qui jouent dans différents groupes et qui ont pratiquement le monopole de cette musique au Québec — se sont produits dans plusieurs endroits du monde, dont la Roumanie, Dubaï, et ont même fait partie d’une autre Exposition universelle, celle spécialisée sur les technologies à Brisbane, en Australie, en 1988.
Don José à la voix d’or chante maintenant avec les oiseaux du paradis, non sans avoir laissé un héritage d’une valeur inestimable à un Québec qui s’est ouvert sur le monde: trois générations de mariachis — dont un petit-fils qui a étudié l’opéra — qui font retentir cette musique festive et pittoresque, inscrite depuis peu au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité.