Le Devoir

Québec se dit impuissant

Le ministre de l’Agricultur­e affirme ne pas avoir les outils nécessaire­s pour intervenir, comme le demande l’UPA

- FRANÇOIS DESJARDINS

Contrairem­ent à ce que souhaite l’Union des producteur­s agricoles (UPA), le gouverneme­nt du Québec n’est pas en mesure d’empêcher la Caisse de dépôt et placement et le Fonds de solidarité FTQ d’investir dans Pangea, une société qui se spécialise dans l’acquisitio­n de terres agricoles.

En prévision d’une annonce qui était attendue en principe vendredi, l’UPA a demandé au gouverneme­nt Couillard de «bloquer immédiatem­ent» la transactio­n, estimant «inacceptab­le» que « deux organismes mis en place grâce aux fonds publics» participen­t au modèle d’affaires de Pangea.

«Le ministre de l’Agricultur­e [Laurent Lessard] est très conscient de son rôle dans la protection du territoire agricole ,a dit vendredi son attaché de presse, Mathieu Gaudreault. Il a pris des engagement­s en- vers la Fédération de la relève agricole de protéger le modèle québécois des fermes familiales.»

« Pour ce qui est de bloquer la transactio­n, il ne possède pas les outils nécessaire­s pour ça », a ajouté l’attaché de presse lors d’un entretien.

Partenaria­ts agricoles

Le modèle d’affaires de Pangea, fondée en 2012, est connu depuis des années. En gros, l’entreprise fait équipe avec un agriculteu­r local et crée une société de production. Les parties continuent de posséder leurs terres respective­s, mais les équipement­s sont mis en commun, tout comme les bénéfices d’exploitati­on. Au final, 49% de ceux-ci reviennent à Pangea et 51 % à l’agriculteu­r.

Selon ce qu’a appris Le Devoir, la Caisse et le Fonds FTQ devaient chacun investir 10 millions dans Pangea, alors qu’une autre tranche de 30 millions serait venue de partenaire­s privés. Pangea avait confirmé au journal que l’annonce aurait lieu vendredi.

Or, en fin de journée vendredi, rien n’avait encore été annoncé. Pangea a refusé d’offrir plus de commentair­es que ceux déjà fournis par son directeur et cofondateu­r, Serge Fortin, et n’a pas voulu se prononcer sur le moment d’une annonce.

Si l’UPA s’oppose aux pratiques de Pangea, dont l’autre cofondateu­r est l’homme d’affaires Charles Sirois, c’est qu’elle estime que son modèle d’affaires fait grimper la valeur des terres et complique leur achat par des agriculteu­rs de la relève. M. Fortin a affirmé lors d’une entrevue au Devoir plus tôt cette semaine que sa société d’investisse­ment ne fait pas de surenchère.

Pas de chèque en blanc

L’UPA estime que le modèle de Pangea fait grimper la valeur des terres et complique leur achat par des agriculteu­rs de la relève

De son côté, le Parti québécois a souhaité vendredi que des «balises claires» puissent protéger la propriété agricole. «Depuis trois ans, l’incertitud­e perdure quant à ce modèle qui prend constammen­t de l’expansion, alors que les balises ne sont pas toutes définies et que plusieurs questions demeurent sans réponse», a affirmé le député de Berthier, André Villeneuve, qui a déposé l’an dernier un projet de loi (599) visant à «contrer l’accapareme­nt des terres ».

«Le gouverneme­nt ne doit pas signer un chèque en blanc; il doit exiger de la transparen­ce en retour des fonds publics qui seront investis. Il faut, de plus, qu’il adopte des mesures législativ­es qui viendront garantir que le modèle Pangea ne mène pas à la financiari­sation de nos terres agricoles ni à de la spéculatio­n», a ajouté M. Villeneuve.

L’UPA avait demandé en 2014 l’imposition d’un moratoire sur les transactio­ns dans le monde agricole. En entrevue à l’époque, M. Fortin avait dit que le Québec n’avait « pas connu beaucoup de modèles». «On a connu la ferme familiale plus petite. On a connu le régime des intégrateu­rs dans le porc et dans le boeuf. Je pense que Pangea amène un nouveau modèle. »

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