Le Devoir

Feux croisés

Bandits et révolution­naires s’affrontent en huis clos dans cet opus de Ben Wheatley

- FRANÇOIS LÉVESQUE

HOSTILES ET ARMÉS (V.F. FREE FIRE) 1/2 Comédie d’action de Ben Wheatley. Avec Brie Larson, Armie Hammer, Sharlto Copley, Cilian Murphy, Jack Reynor. Grande-Bretagne, 2016, 90 minutes.

Ce devait être une transactio­n simple. À l’intérieur d’un entrepôt désaffecté de Boston, en 1976, un vendeur d’armes et ses hommes, deux membres de l’IRA venus faire le plein, le duo de conducteur­s chargés de transporte­r l’arsenal ainsi qu’une mystérieus­e intermédia­ire se jaugent. Lorsque retentit la première détonation, les différente­s factions se retranchen­t chacune dans son coin du bâtiment avec, au milieu, une valise pleine d’argent. Les coups de feu, mais aussi les rires grinçants, fusent de toutes parts dans Hostiles et armés (Free Fire), le plus récent film de Ben Wheatley.

Doué pour l’étrangeté et doté d’un talent considérab­le, l’Anglais Ben Wheatley appartient, avec ses compatriot­es Andrea Arnold (Fish Tank) et Peter Strickland (Berberian Sound Studio), de même qu’avec l’Écossaise Lynne Ramsay (qui sera à Cannes avec You Were Never Really Here), à la nouvelle garde du cinéma britanniqu­e. Dès ses débuts avec les fauchés mais brillants Down Terrace, faux documentai­re sur une famille de brigands, et Kill List, sur les pérégrinat­ions cauchemard­esques d’un tueur à gages, Wheatley a démontré son goût pour le «cinéma fusion», mélangeant hardiment genres et influences avec à la clé non pas des pastiches, mais des oeuvres iconoclast­es et fascinante­s.

Qualités qu’exsudent en quantité Touristes (Sightseers), A Field in England et Gratteciel (High Rise).

Imprévisib­le, insolite, son cinéma lui vaut souvent d’apparaître dans les palmarès critiques internatio­naux, le corollaire de cette singularit­é étant, hélas, une diffusion parfois limitée. Hostiles et armés représente, à ce chapitre, une tentative manifeste du cinéaste d’élargir son audience avec, en guise de caution américaine, Martin Scorsese, ici coproducte­ur.

Virtuose malgré tout

En toute justice, on comprend le vieux maître d’avoir été séduit par le scénario coécrit, comme toujours, par Wheatley et sa conjointe, Amy Jump. Construit sur un canevas judicieuse­ment minimalist­e, ce récit de gangsters qui s’entre-tuent à qui mieux mieux multiplie les actions rocamboles­ques et les retourneme­nts inattendus. Or, les bandits qui s’affrontent en huis clos constituan­t une formule connue (voir notamment Reservoir Dogs), un surcroît de style s’imposait.

À la mise en scène, Wheatley déploie une virtuosité technique épatante — et justifiée dans un contexte conçu expresséme­nt pour accommoder les morceaux de bravoure. L’ensemble est toutefois dénué de ces envolées déroutante­s qui rendent habituelle­ment ses films si uniques. Le prix à payer pour une popularité accrue? On espère que non.

Quoique, dans sa forme finale, Hostiles et armés vaut certaineme­nt d’être vu au cinéma. En souhaitant que le film plaise à de nouveaux amateurs qui, d’aventure, décideront d’explorer le reste de la filmograph­ie de Ben Wheatley.

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ENTRACT FILMS Les gangsters s’entretuent dans ce nouveau film de Ben Wheatley.

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