Feux croisés
Bandits et révolutionnaires s’affrontent en huis clos dans cet opus de Ben Wheatley
HOSTILES ET ARMÉS (V.F. FREE FIRE) 1/2 Comédie d’action de Ben Wheatley. Avec Brie Larson, Armie Hammer, Sharlto Copley, Cilian Murphy, Jack Reynor. Grande-Bretagne, 2016, 90 minutes.
Ce devait être une transaction simple. À l’intérieur d’un entrepôt désaffecté de Boston, en 1976, un vendeur d’armes et ses hommes, deux membres de l’IRA venus faire le plein, le duo de conducteurs chargés de transporter l’arsenal ainsi qu’une mystérieuse intermédiaire se jaugent. Lorsque retentit la première détonation, les différentes factions se retranchent chacune dans son coin du bâtiment avec, au milieu, une valise pleine d’argent. Les coups de feu, mais aussi les rires grinçants, fusent de toutes parts dans Hostiles et armés (Free Fire), le plus récent film de Ben Wheatley.
Doué pour l’étrangeté et doté d’un talent considérable, l’Anglais Ben Wheatley appartient, avec ses compatriotes Andrea Arnold (Fish Tank) et Peter Strickland (Berberian Sound Studio), de même qu’avec l’Écossaise Lynne Ramsay (qui sera à Cannes avec You Were Never Really Here), à la nouvelle garde du cinéma britannique. Dès ses débuts avec les fauchés mais brillants Down Terrace, faux documentaire sur une famille de brigands, et Kill List, sur les pérégrinations cauchemardesques d’un tueur à gages, Wheatley a démontré son goût pour le «cinéma fusion», mélangeant hardiment genres et influences avec à la clé non pas des pastiches, mais des oeuvres iconoclastes et fascinantes.
Qualités qu’exsudent en quantité Touristes (Sightseers), A Field in England et Gratteciel (High Rise).
Imprévisible, insolite, son cinéma lui vaut souvent d’apparaître dans les palmarès critiques internationaux, le corollaire de cette singularité étant, hélas, une diffusion parfois limitée. Hostiles et armés représente, à ce chapitre, une tentative manifeste du cinéaste d’élargir son audience avec, en guise de caution américaine, Martin Scorsese, ici coproducteur.
Virtuose malgré tout
En toute justice, on comprend le vieux maître d’avoir été séduit par le scénario coécrit, comme toujours, par Wheatley et sa conjointe, Amy Jump. Construit sur un canevas judicieusement minimaliste, ce récit de gangsters qui s’entre-tuent à qui mieux mieux multiplie les actions rocambolesques et les retournements inattendus. Or, les bandits qui s’affrontent en huis clos constituant une formule connue (voir notamment Reservoir Dogs), un surcroît de style s’imposait.
À la mise en scène, Wheatley déploie une virtuosité technique épatante — et justifiée dans un contexte conçu expressément pour accommoder les morceaux de bravoure. L’ensemble est toutefois dénué de ces envolées déroutantes qui rendent habituellement ses films si uniques. Le prix à payer pour une popularité accrue? On espère que non.
Quoique, dans sa forme finale, Hostiles et armés vaut certainement d’être vu au cinéma. En souhaitant que le film plaise à de nouveaux amateurs qui, d’aventure, décideront d’explorer le reste de la filmographie de Ben Wheatley.