Le Devoir

Imbolo Mbue, la rêveuse infatigabl­e

L’écrivaine nous parle des livres, sources puissantes de raisonneme­nt et de changement

- JÉRÔME DELGADO

Les remarques bêtes qui lui sont adressées lorsqu’il dit venir du Cameroun, Jende ne les supporte plus. Alors il réplique par une boutade aussi absurde: «J’espère qu’un jour j’irai à Montréal. » Ce père de famille émigré à New York est un des personnage­s clés du roman Behold the Dreamers (Voici venir les rêveurs)

d’Imbolo Mbue, nouvelle coqueluche littéraire aux États-Unis.

Pour la jeune auteure, née comme son Jende à Limbé, dans le Cameroun anglophone, il n’est plus question de boutade ni de souhait farfelu. Montréal, dans une semaine, ce sera du concret. Fleurs en sus: Metropolis bleu l’attend le dernier jour du festival pour lui décerner le prix Des mots pour changer.

De son rire franc, Imbolo Mbue reconnaît avoir cité Montréal sans raison aucune, sinon parce qu’elle aime imaginer la ville «ouverte et multicultu­relle». Ce premier voyage au Canada, concède-t-elle cependant, elle est bien heureuse de le faire. «Ce prix m’est vraiment

important. Quelque part, nous, les écrivains, souhaitons améliorer le monde», dit celle pour qui l’appellatio­n de la récompense de 5000 $ lui va comme un gant.

Le fort courant qui pousse Imbolo Mbue vers les sommets littéraire­s depuis la sortie à l’automne 2016 de ce premier roman, juste avant la victoire électorale de Donald Trump, atteindra donc aussi Montréal. Les critiques ne cessent de saluer sa plume, son ton juste et sincère et la pertinence de son récit, riposte non préméditée aux politiques anti-immigratio­n du nouveau président.

Le Washington Post a suggéré que Trump devrait lire

Behold the Dreamers. Le bouquin s’est retrouvé parmi les meilleurs titres de 2016 de nombreux médias. En 2017, ce sont les prix qui commencent à lui tomber dessus, dont le PEN/Faulkner Award et ses 15 000 $ destinés à « la meilleure oeuvre de fiction de l’année par un citoyen américain ».

De la récession à l’immigratio­n

Imbolo Mbue reconnaît que les États-Unis vivent de

sales temps, surtout quand on est une femme noire immigrante. Or, elle s’avoue remplie d’espoir, se disant que « quelque chose de bon sortira de ceci ». « Mais je suis encore perplexe quant à l’issue des élections. Je n’ai pas voté

Trump », insiste-t-elle. Arrivée adolescent­e aux États-Unis, titulaire d’une maîtrise de l’Université Columbia, Mbue a un parcours similaire à celui de la Nigériane acclamée Chimamanda Ngozi Adichie

(Americanah, 2013), son aînée de cinq ans. D’aucuns veulent faire de l’auteure de Behold the

Dreamers le porte-étendard des classes immigrante­s.

Celle qui a longtemps ramé, qui a fini par obtenir sa citoyennet­é américaine en 2014 et qui aurait, selon le Washington

Post, obtenu au moins un million pour son livre de la part de l’éditeur Random House, est un bel exemple du rêve américain devenu réalité. Mbue préfère toutefois faire parler son livre. « J’ai écrit un livre sur la Grande Récession [la crise économique de 2008], mais c’est

 ?? THOMAS SAMSON AGENCE FRANCE-PRESSE ?? «Les livres ont influencé ma vie. La manière dont je vois le monde est teintée par ce que j’ai lu. J’écris pour mieux voir et comprendre le monde», souligne l’écrivaine Imbolo Mbue.
THOMAS SAMSON AGENCE FRANCE-PRESSE «Les livres ont influencé ma vie. La manière dont je vois le monde est teintée par ce que j’ai lu. J’écris pour mieux voir et comprendre le monde», souligne l’écrivaine Imbolo Mbue.

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