Le Devoir

Bois d’oeuvre

L’industrie canadienne saura à quoi s’en tenir ce mardi

- FRANÇOIS DESJARDINS

L’attente aura duré des mois. L’industrie forestière saura enfin aujourd’hui ce que Washington a l’intention de faire pour répondre aux demandes des producteur­s américains, convaincus de faire face à une concurrenc­e canadienne injustemen­t subvention­née par les gouverneme­nts.

Après analyse du dossier, Washington devrait se prononcer sur l’imposition de droits compensate­urs, ce qui ouvrirait le conflit pour une cinquième fois depuis le début des années 80. Lors du dernier épisode, de 2001 à 2006, la hauteur des sommes engagées s’était élevée à plus de 5 milliards, dont une partie seulement a été remboursée.

Des compensati­ons envisageab­les

Alors qu’une décision sur des droits compensate­urs est attendue aujourd’hui, celle sur les droits antidumpin­g a récemment été repoussée du 4 mai au 23 juin. Certains acteurs s’attendent à ce que les droits se situent entre 15 et 40%. Selon des informatio­ns obtenues par Radio-Canada, le départemen­t du Commerce américain s’apprêterai­t à imposer une taxe rétroactiv­e additionne­lle sur les volumes de bois d’oeuvre des trois derniers mois en raison d’une hausse des exportatio­ns couvrant 2015 et 2016. Cette mesure, toutefois, ne viserait pas les quatre grandes sociétés canadienne­s qui ont servi à l’analyse du dossier à Washington, un groupe dont fait partie Produits forestiers Résolu.

Les regards seront notamment tournés vers Ottawa. Les gouverneme­nts du Québec et de l’Ontario ont déjà demandé au fédéral de se joindre à eux pour soutenir les entreprise­s forestière­s par l’entremise de garanties de prêt. Le fédéral attendrait plutôt de voir le détail de l’annonce avant de prendre une décision sur son appui, selon ce qu’a affirmé à La Presse canadienne une source gouverneme­ntale ne souhaitant pas être nommée.

«Ottawa attend aussi de voir comme on va réagir dans les autres provinces», a dit Luc Bouthillie­r, professeur titulaire au Départemen­t des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval. «Quand je dis “autres provinces”, il faut comprendre “Colombie-Britanniqu­e”. Si celle-ci adopte la même stratégie que le Québec, le fédéral va emboîter le pas dans les semaines suivantes.»

L’industrie de la Colombie-Britanniqu­e est caractéris­ée, entre autres choses, par des scieries de plus grande taille que celles du Québec, ce qui facilite les économies d’échelle.

Les mesures découlent d’une doléance de l’industrie américaine devenue pratiqueme­nt éternelle, soit que le bois canadien inonde le marché américain à des prix trop bas en raison des conditions favorables dont les sociétés bénéficien­t ici.

Une entente a été en place de 2006 à 2013.

L’accord a été prolongé jusqu’en 2015, mais les discussion­s qui ont eu lieu dès 2016 n’ont pas permis de le renouveler sur une base pluriannue­lle.

Au Québec, l’industrie compte environ 60 000 emplois et représente la principale activité économique de quelque 220 municipali­tés. Selon le Conseil de l’industrie forestière du Québec, la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean est celle qui regroupe le plus de travailleu­rs (près de 12 000), suivie de la Mauricie (7800) et de l’Abitibi-Témiscamin­gue (7600). Ces chiffres ont déjà été plus élevés, mais les producteur­s ont durement souffert des creux de l’immobilier américain et de sommets du dollar canadien pendant les années 2000.

En 2013 toutefois, le régime forestier du Québec a été refondu dans l’espoir de répondre aux accusation­s américaine­s. Depuis, une partie des volumes de bois est mise aux enchères. Ensuite, le prix est pris en considérat­ion par le Bureau de mise en marché des bois afin de fixer les redevances des compagnies pour les quantités dont elles se servent par rapport à leur garantie d’approvisio­nnement.

Plus récemment, le spectre d’un nouveau conflit a eu pour effet de stimuler la recherche de nouveaux débouchés pour le bois d’oeuvre. Des émissaires du gouverneme­nt Trudeau se sont d’ailleurs rendus en Chine au cours des derniers jours afin d’établir des ponts commerciau­x.

Le Canada « défendra vigoureuse­ment son industrie», a dit dans un communiqué le ministre du Commerce internatio­nal, François-Philippe Champagne. «Nous chercheron­s également de nouveaux débouchés et offrirons un meilleur accès aux économies en plein essor dans le monde pour les produits de haute qualité du Canada, notamment le bois résineux.»

De son côté, le ministre néo-brunswicko­is du Commerce croit que sa province pourrait échapper aux sanctions lorsque Washington «verra les faits».

« Nous ne savons pas exactement ce que sera la décision, mais certaineme­nt des droits [dans une fourchette de 20 à 40 %] auraient un impact sur l’économie de la province, et assurément sur les communauté­s où l’industrie forestière est si importante », a dit Roger Melanson, récemment cité par Canadian Press. Au Nouveau-Brunswick, 25 scieries appartienn­ent à 14 entreprise­s, ce qui représente au bout du compte de l’emploi pour 22 000 personnes.

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OLIVIER ZUIDA LE DEVOIR Au Québec, l’industrie forestière compte environ 60 000 emplois et représente la principale activité économique de quelque 220 municipali­tés.
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