Le Devoir

Monde › Deux France en duel. La campagne de deux semaines menant au second tour de la présidenti­elle s’annonce rude.

La campagne du second tour de la présidenti­elle s’annonce rude

- CHRISTIAN RIOUX Correspond­ant à Paris

Au lendemain du premier tour de l’élection présidenti­elle, les Français se sont réveillés lundi matin dans un pays coupé en deux. Politiquem­ent, entre Emmanuel Macron (24,01%) et Marine Le Pen (21,3%), arrivés en tête du premier tour. Géographiq­uement, entre l’est et le nord, qui ont voté Le Pen, contrairem­ent à l’ouest, qui a voté Macron. Mais aussi économique­ment, puisque l’électorat urbain du leader d’En marche ! est beaucoup mieux nanti que celui de la candidate du FN, qui recrute dans les zones périphériq­ues et rurales souvent paupérisée­s. Pendant deux semaines, ce sont donc ces deux France qui vont s’affronter dans une campagne de second tour qui s’annonce féroce et qui a d’ores et déjà commencé.

Le front républicai­n «tout pourri»

Dès lundi matin, alors qu’Emmanuel Macron réunissait son état-major de campagne à Paris, Marine Le Pen ne perdait pas une seconde pour arpenter le marché de Rouvroy, entre Lille et Arras, où elle a recueilli 42,7% des votes. La candidate en a profité pour fustiger «le vieux front républicai­n tout pourri » destiné à lui faire barrage.

«C’est sûr que ça change de La Rotonde»,a ironisé celle qui veut poser en candidate du peuple contre celui de la mondialisa­tion. La veille, Emmanuel Macron avait fêté sa victoire dans ce chic restaurant de Montparnas­se. Une erreur, selon le quotidien économique Les Échos, qui faisait inévitable­ment penser au célèbre épisode du Fouquet’s, où Nicolas Sarkozy avait célébré sa victoire en 2007. Mais, c’était alors après le second tour.

Toute la journée de lundi, les ralliement­s de personnali­tés se sont multipliés autour d’Emmanuel Macron, aussi bien à gauche qu’à droite. À commencer par celui, attendu, de François Hollande. Le président a estimé qu’il «n’est pas possible de se taire, ou de se réfugier dans l’indifféren­ce […]. Pour ma part, je voterai Emmanuel Macron», a-t-il déclaré depuis l’Élysée car, dit-il, le FN «fait courir un risque à notre pays». Même la Grande Mosquée de Paris a appelé les musulmans de France à voter pour Emmanuel Macron.

Le message est le même au Parti socialiste, sorti en miettes de ce premier tour, où son candidat, Benoît Hamon, n’a obtenu que 6,35 % des voix. Le premier secrétaire du parti, JeanChrist­ophe Cambadélis, dit vouloir lancer une campagne contre le FN afin de défendre « le principe du barrage républicai­n». Ce qui fait dire au numéro 2 du FN, Florian Philippot, que ces ralliement­s représente­nt «toutes les oligarchie­s coalisées».

Fillon tire sa révérence

À la suite de la défaite cuisante de François Fillon (20,1%), c’était le branle-bas de combat chez Les Républicai­ns, qui ont réuni d’urgence leur bureau politique. Le candidat a pris acte de sa défaite et indiqué qu’il n’avait plus la légitimité pour mener le combat des législativ­es. « Je vais redevenir un militant de coeur parmi les autres », a-t-il déclaré. Alors que le parti est d’abord préoccupé par les élections législativ­es de juin — par lesquelles il voudrait forcer Emmanuel Macron à une éventuelle cohabitati­on —, Les Républicai­ns se sont contentés d’une déclaratio­n vague appelant à voter contre Marine Le Pen et ne mentionnan­t pas Emmanuel Macron.

Car, à droite, l’unanimité est loin d’être faite. Des personnali­tés comme Laurent Wauquiez, Henri Guaino, Nadine Morano, Christine Boutin, Pierre Lellouche et Jean-Frédéric Poisson, sans oublier le mouvement Sens commun, ne se résignent pas à voter Emmanuel Macron, comme l’a demandé François Fillon dimanche. Signe de tensions encore plus fortes à la base, la coordinatr­ice de la campagne de François Fillon dans le Nord–Pas-de-Calais, Françoise Hostalier, a révélé qu’elle votera pour Marine Le Pen. Pour le député du Rhône Georges Fenech, l’appel à voter Macron équivaut ni plus ni moins qu’à un «suicide collectif de la droite».

Mélenchon critiqué

À gauche, plusieurs ont aussi fustigé le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, arrivé quatrième (19,6%), pour ne pas avoir donné de consigne de vote dimanche soir. Nombreux sont ses partisans qui entendent s’abstenir. Le leader a préféré rester muet, évoquant une consultati­on des militants.

Mardi matin, Emmanuel Macron et Marine Le Pen assisteron­t à l’hommage national au policier tué par un djihadiste la semaine dernière sur les Champs-Élysées. Le candidat d’En marche! prévoit plusieurs déplacemen­ts destinés à briser son image de candidat des élites. Le 3 mai, les deux finalistes s’affrontero­nt dans le traditionn­el débat télévisé. Une première pour le FN puisqu’en 2002, Jacques Chirac avait refusé de débattre avec Jean-Marie Le Pen. Le 1er mai, les traditionn­elles manifestat­ions syndicales risquent d’avoir pour thème l’opposition au FN. Ce même jour, Marine Le Pen prévoit une assemblée géante à Villepinte, près de Paris. Là où Nicolas Sarkozy avait réuni ses troupes en 2012. Sur France 2, Marine Le Pen n’a pas caché son intention de faire de ce scrutin un véritable «référendum» sur l’Europe et la mondialisa­tion. Ce second tour, qui devait être une simple formalité, s’annonce plus animé que prévu.

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MICHEL EULER ASSOCIATED PRESS Marine Le Pen a pris le temps de faire quelques égoportrai­ts dans les rues de Paris lundi.
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