Le Devoir

Misères des ateliers

Quatre ans après la tragédie du Rana Plaza, Human Rights Watch déplore l’opacité des filières d’approvisio­nnement de dizaines d’entreprise­s

- STÉPHANE BAILLARGEO­N

Quatre ans après la tragédie du Rana Plaza en banlieue de Dacca, des dizaines d’entreprise­s mondiales ne respectent pas les règles d’un programme qui devait hausser la sécurité dans les ateliers de confection de vêtements au Bangladesh.

En fait, la majorité des entreprise­s d’habillemen­t contacté par des organisati­ons de défenses des droits de la personne refusent toujours de divulguer des informatio­ns sur leurs fournisseu­rs ou dévoilent des données jugées incomplète­s. Ces renseignem­ents s’avèrent cruciaux pour remonter la filière des vêtements et des chaussures et comprendre qui fournit quoi et dans quelles conditions de travail.

Aux fins de l’étude mondiale, 72 entreprise­s de vêtement ont été contactées par neuf organisati­ons internatio­nales. L’enquête pilotée par l’organisme Human Rights Watch (HRW) a été diffusée lundi, quatre ans jour pour jour après l’effondreme­nt du Rana Plaza qui a fait 1130 morts et 2500 blessés. Le Bangladesh est la mercerie du monde avec 4000 usines et quatre millions de lumpenprol­étaires aux machines des ateliers de misère.

Vingt-neuf compagnies ont accepté de révéler leurs sources d’approvisio­nnement. Dix n’ont carrément pas répondu à la coalition: Armani, Carter’s, Forever 21, Urban Outfitters, Ralph Lauren Corporatio­n, Matalan, River Island, Sports Direct, Shop Direct et Rip Curl. Les autres y sont allés de réponses partielles.

Et ici?

Trois entreprise­s canadienne­s figurent parmi les compagnies jugées plus ou moins opaques. Une seule fait preuve d’une transparen­ce exemplaire.

Loblaw ne fournit aucune liste, mais promet de s’engager dans cette voie et une première divulgatio­n des usines sources a été faite en février. L’usine Rana Plaza de la capitale Dacca fabriquait des vêtements pour la marque espagnole Mango, mais aussi pour la marque maison de Loblaw, Joe Fresh.

«Nous nous engageons à nous approvisio­nner de façon responsabl­e, dit au Devoir Johanne Héroux, directrice principale, Affaires corporativ­es et communicat­ions de la compagnie. À cette fin, nous travaillon­s de concert avec des marques d’envergure mondiale, des organismes non gouverneme­ntaux et des groupes de travail pour améliorer le degré de transparen­ce et, ultimement, les conditions de travail à l’échelle mondiale. »

Canadian Tire ne publiait déjà aucune informatio­n sur ses fournisseu­rs. Selon HRW, elle refuse de s’engager dans un Pacte pour la transparen­ce (ou Pledge), un engagement minimum en matière de publicatio­n d’informatio­n sur les filières d’approvisio­nnement. L’entreprise qui possède notamment L’Équipeur voit les choses autrement.

«Par l’entremise de notre Code d’éthique profession­nelle à l’intention des fournisseu­rs, nous décrivons clairement nos normes publiées auprès des fournisseu­rs avec lesquels nous travaillon­s à travers le monde, écrit au Devoir Joscelyn Dosanjh, directeur des communicat­ions de Canadian Tire. Nous faisons appel à des cabinets de vérificati­on comptable tiers de renommée internatio­nale afin d’assurer que les usines répondent à ces normes. Nous sommes un membre fondateur de l’Alliance for Bangladesh Worker Safety depuis sa création, démontrant ainsi notre engagement envers les changement­s durables. »

La Compagnie de la Baie d’Hudson

fournit une liste incomplète de ses fournisseu­rs aux enquêteurs de HRW. Elle maintient le statu quo et ne promet pas de modifier cette pratique.

Mountain Equipment Co-op

(MEC) ressort honorablem­ent du lot avec ses pratiques transparen­tes. La compagnie a fourni les noms et adresses de toutes les usines de confection et de certaines installati­ons de traitement de sa marchandis­e. Elle est en « alignement presque total avec le pacte pour la transparen­ce [ou Pledge], un engagement éthique en matière de divulgatio­n des informatio­ns sur les filières d’approvisio­nnement».

 ?? A.M. AHAD ASSOCIATED PRESS ?? Mahamudul Hasan Ridoy, âgé de 26 ans au moment de la tragédie, fait partie des 2500 travailleu­rs blessés par l’effondreme­nt. Il marche le long des ruines de l’ancien atelier de couture.
A.M. AHAD ASSOCIATED PRESS Mahamudul Hasan Ridoy, âgé de 26 ans au moment de la tragédie, fait partie des 2500 travailleu­rs blessés par l’effondreme­nt. Il marche le long des ruines de l’ancien atelier de couture.

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