Le Devoir

Des Indo-Canadienne­s optent encore pour l’avortement sélectif

Le ratio entre les naissances de garçons et de filles demeure anormal dans certaines communauté­s indiennes de l’Ontario

- AMÉLIE DAOUST-BOISVERT

La pratique des avortement­s sélectifs de foetus féminins dans certaines communauté­s indo-canadienne­s de l’Ontario ne s’atténue pas avec le temps, indique une étude.

Même plusieurs années après l’arrivée des mères au Canada, le ratio entre les naissances de garçons et de filles demeure anormal, indiquent des résultats publiés lundi en ligne par le Journal of Obstetrics and Gynaecolog­y Canada.

Les femmes d’origine indienne qui sont déjà mères de deux filles donnent naissance à presque deux fois plus de garçons que de filles lors de leur troisième accoucheme­nt. Dans la population générale, il y a environ 106 naissances de garçons pour 100 naissances de filles. Dans le cas de cette communauté, au troisième enfant, le ratio est de près de 192 garçons pour 100 filles.

Cela s’avère surtout pour les femmes immigrante­s dont la langue maternelle est le punjabi et l’hindi, avec un ratio respective­ment de 260 et 163 garçons pour 100 filles.

Pour les femmes dont la langue maternelle était le Gujarati ou un autre dialecte, le ratio se rapproche plutôt de celui de la population générale, indique l’étude.

Les chercheurs se sont penchés sur près de 47 000 naissances survenues chez des mères d’origine indienne en Ontario entre 1993 et 2014 pour arriver à ces conclusion­s.

Une pratique qui perdure

L’effet ne s’amenuise pas avec le temps, ont observé les chercheurs. « C’est un peu contre-intuitif, explique un des auteurs, Marcelo Urquia. On pourrait s’attendre à ce que cette pratique diminue avec l’exposition à la culture canadienne, mais ce n’est pas le cas.» Le professeur en épidémiolo­gie et en santé publique à l’Université du Manitoba formule l’hypothèse que l’influence de la culture du pays d’origine s’exprime entre autres par les liens conser vés par Internet et les médias sociaux — mais ce n’est qu’une piste.

Il n’en est pas à sa première étude sur le sujet. L’an dernier, il confirmait que le phénomène est bien présent au Canada depuis deux décennies. La sélection du sexe du bébé à naître peut survenir par avortement sélectif ou par la procréatio­n médicaleme­nt assistée (PMA). La section du sexe en PMA est interdite au Canada, mais certains couples pourraient aller à l’étranger compléter la procédure.

Selon Amanpreet Brar, ces résultats ont provoqué une certaine prise de conscience dans la communauté indo-canadienne. La chercheuse et étudiante en médecine d’origine indienne, qui a collaboré à cette étude, donne l’exemple des célébratio­ns qui entourent la naissance d’un enfant. Des friandises sont par exemple préparées pour la naissance d’une fille, ce qui traditionn­ellement était plutôt réservé aux garçons. «Des efforts sont faits pour contrer le sexisme dans la communauté, et c’en est une manifestat­ion », explique-t-elle.

Le chercheur Marcelo Urquia souhaite maintenant vérifier ce qu’il en est chez les immigrante­s de deuxième génération. Il entreprend­ra aussi des entrevues avec des femmes afin de comprendre le phénomène de l’intérieur.

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