Vache sacrée… et à lait
Une coalition, dénommée «Peuple allumé», a déposé une mise en demeure visant le remboursement de 1,4 milliard de trop-perçus par Hydro-Québec de 2008 à 2016, soit 600 millions si on ne tient compte que de la portion déboursée par les particuliers. La Coalition avenir Québec a emboîté le pas en lançant une pétition. Cette mise en demeure est symbolique. D’abord, parce qu’elle n’a aucune assise légale, mais aussi parce que le gouvernement Couillard, par la voix du ministre Pierre Arcand, a indiqué qu’il entendait conserver le magot.
Dans sa réplique diffusée vendredi dernier, Hydro-Québec avance que ces trop-perçus, que la société d’État appelle des «écarts de rendement», sont normaux, puisque les revenus que fournissent les tarifs autorisés par la Régie de l’énergie sont basés sur des prévisions et que les écarts ne représentent que 1% de ses ventes annuelles de 12 milliards. Les trop-perçus viennent gonfler les bénéfices d’Hydro-Québec, bénéfices dont les trois quarts sont versés sous forme de dividendes au gouvernement.
Or, les trop-perçus ainsi que les gains d’efficience devaient être partagés entre le gouvernement et les consommateurs. Mais le premier budget Leitão a annulé ce partage. La mesure est toutefois transitoire et doit disparaître cette année, un an après l’atteinte de l’équilibre budgétaire.
Bien que les tarifs d’Hydro-Québec soient fixés par la Régie de l’énergie, ils ont fait l’objet de décisions politiques. En fait, tant le gouvernement Bouchard que les gouvernements Charest et Couillard se sont évertués à traire toujours plus énergiquement cette vache à lait afin d’augmenter les revenus de l’État.
En 2010, c’est le ministre des Finances, Raymond Bachand, qui a frappé le plus grand coup en programmant, sur cinq ans, une hausse du tarif patrimonial afin de dégager 1,6 milliard pour garnir le nouveau Fonds des générations.
Dans l’année en cours, c’est un total de 1,1 milliard qu’HydroQuébec versera au Fonds des générations, soit 275 millions de plus qu’en 2016-2017. La vache à lait est particulièrement productive.
Les revenus d’Hydro-Québec font partie intégrante de la stratégie de diminution de la dette du Québec. Dans la mesure où ses tarifs demeurent bas et que ses hausses tarifaires sont maintenues en deçà de l’inflation, il s’agit sans doute d’un excellent moyen de tirer parti de ce remarquable actif. Toutefois, en encaissant sournoisement ces trop-perçus, le gouvernement Couillard n’a pas fait preuve de la plus grande franchise.