Le Devoir

Couillard nie toute allégation d’influence de Marc Bibeau sur son gouverneme­nt

Son chef de cabinet a eu des relations d’affaires avec l’ex-argentier libéral en 2011

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec Avec Marco Bélair-Cirino

La soirée d’étude des crédits budgétaire­s du Conseil exécutif s’est transformé­e mercredi en séance d’examen des liens du chef de cabinet du premier ministre Philippe Couillard, Jean-Louis Dufresne, avec l’ex-argentier libéral Marc Bibeau, visé par une enquête de l’Unité permanente anticorrup­tion.

Pendant la pause de la séance d’étude des crédits, un reportage de TVA a révélé qu’en 2011 Marc Bibeau aurait communiqué avec Jean-Louis Dufresne, alors vice-président principal de la firme de relations publiques BCP Consultant­s, afin qu’il contacte l’attaché de presse de Jean Charest, Hugo D’Amours.

M. Bibeau aurait voulu fournir des éléments de réplique au gouverneme­nt Charest, ciblé par des questions du Parti québécois (PQ) à propos d’un contrat de réfection du pont Mercier. Selon le PQ, l’octroi sans appel d’offres de ce contrat aurait permis de favoriser Schokbeton, une entreprise appartenan­t à la famille Bibeau.

Le frère de Marc Bibeau, Robert Bibeau, aurait aussi exprimé sa gratitude au sujet d’un point de presse du ministre des Transports de l’époque, Pierre Moreau, dans un courriel envoyé à M. Dufresne. La directrice du financemen­t du PLQ à l’époque, Violette Trépanier, aurait été impliquée dans la chaîne de courriels qui a été dévoilée: elle aurait agi comme intermédia­ire entre les divers intervenan­ts.

Un communiqué avant le reportage

Quelques heures avant la diffusion du reportage, le cabinet du premier ministre a publié un communiqué dans lequel il a dévoilé que M. Dufresne a déjà entretenu des liens profession­nels avec Marc Bibeau. À partir de 2010, la société Beauward, qui appartient à la famille de Marc Bibeau, a confié un mandat d’affaires publiques à BCP Consultant­s. M. Dufresne a rejoint le cabinet de Philippe Couillard trois ans plus tard.

En 2011, au moment des questionne­ments entourant la réfection du pont Mercier, c’est donc à titre profession­nel que M. Dufresne est intervenu au nom de M. Bibeau, a souligné le premier ministre.

«Ce n’était pas M. Dufresne qui avait personnell­ement un contrat avec M. Bibeau, a-t-il déclaré. C’était l’entreprise de M. Bibeau qui a retenu les services de BCP Consultant­s, comme ça se fait couramment. » Et puis, ce contrat de service est «bien antérieur à l’associatio­n de M. Dufresne avec moi comme chef de l’opposition [en 2013] », a-t-il ajouté. M. Bibeau n’a «aucune influence» sur son gouverneme­nt, a-t-il insisté.

Moreau furieux

Celui qui était ministre des Transports au moment des faits exposés, Pierre Moreau, s’est présenté devant les médias après la diffusion du reportage de TVA.

«Moi, ce qui m’importe, c’est cette partie du reportage où on montre mon joli minois à l’écran et qu’on essaie d’en faire un montage qui devient gros, grossier, grotesque et qui peut laisser entendre d’une façon quelconque qu’il y a eu une malversati­on qui a été faite», a-t-il lancé, furieux.

L’entreprise Schokbeton n’a pas obtenu le contrat de réfection du pont Mercier en raison des liens entre M. Bibeau et des élus libéraux, a-t-il plaidé. À preuve, le contrat en question concernait «la partie fédérale du pont Mercier, qui n’est [donc] pas du tout dans la juridictio­n du ministère des Transports du Québec», a-t-il souligné.

Réactions

L’opposition ne s’en est pas trouvée rassurée. «M. Dufresne était dans le système. Il était un participan­t actif de la protection conjointe des intérêts de Marc Bibeau et de Jean Charest», a dénoncé le chef du PQ, Jean-François Lisée. «M. Couillard a beaucoup essayé de mettre des digues entre lui et l’héritage de Jean Charest. Mais ces digues s’effondrent une à une.»

Le chef de la CAQ, François Legault, a qualifié l’accumulati­on des révélation­s sur des proches du PLQ de « supplice de la goutte». «Est-ce qu’il [Philippe Couillard] trouve ça normal que Marc Bibeau ait eu accès au président actuel du Conseil du trésor?» a-t-il demandé, faisant référence aux fonctions actuelles de Pierre Moreau.

Il a encore une fois exigé que le premier ministre donne un mandat spécial à la vérificatr­ice générale (VG) du Québec afin qu’elle se penche sur les 40 baux qu’auraient signés des entreprise­s appartenan­t à Marc Bibeau avec 25 organismes gouverneme­ntaux. Philippe Couillard a répliqué que la VG avait toute la latitude pour le faire.

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JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Le chef de cabinet de Philippe Couillard, Jean-Louis Dufresne (à gauche), a déjà agi comme intermédia­ire entre Marc Bibeau et l’attaché de presse de Jean Charest.

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