Parfaire le monde
Le Cercle dépeint froidement un futur qu’on souhaite très, très lointain
LE CERCLE – LE POUVOIR DE TOUT CHANGER
(V.F. DE THE CIRCLE) ★★ 1/2 Thriller de James Ponsoldt. Avec Emma Watson, Tom Hanks, Karen Gillan, Glenne Headly, Bill Paxton, Ellar Coltrane et John Boyega. États-Unis, 2017, 110 minutes.
Adaptation clinique et assez fidèle du roman d’anticipation de David Eggers, Le Cercle – Le pouvoir de tout changer met en scène Tom Hanks dans le rôle d’un visionnaire charismatique à la tête d’une puissante boîte spécialisée dans les nouvelles technologies et les réseaux sociaux qui n’est pas sans rappeler un certain Steve Jobs. Lors d’une présentation à laquelle assistent tous les employés du Cercle — c’est le nom de l’entreprise, qui a parfois les allures d’une secte —, celui-ci présente un nouveau modèle de caméra qui permet d’être branché en tout temps sur le monde.
Par le fait même, ce petit bidule transforme chaque citoyen de la planète en «Big Brother » pour son prochain. Si cela peut entraîner un meilleur comportement chez le commun des mortels, empêcher l’enlèvement d’enfants ou permettre d’attraper plus rapidement les criminels, on peut dire adieu à sa vie privée. Dérangeant? Oui, et certainement peu rassurant pour ceux qui ne passent pas leur temps à tout déballer ou à s’inventer une vie sur les réseaux sociaux.
Nouvelle employée du Cercle, grâce à la complicité d’une amie (Karen Gillan), Mae (Emma Watson) accepte d’être le cobaye de Bailey (Hanks), c’est-à-dire d’être connectée 24 heures sur 24 comme dans une envahissante et indiscrète téléréalité. Et ce, malgré les mises en garde d’un employé du Cercle (John Boyega). Cela entraînera des effets dévastateurs sur ses relations avec ses parents (Glenne Headly et le regretté Bill Paxton) et, surtout, avec son ami d’enfance (Ellar Coltrane). L’expérience l’amènera à réfléchir, un peu tard, à la notion de vie privée, tandis que le spectateur souhaitera qu’on l’y ait amenée avec plus de subtilité.
Il y a bien des éléments agaçants dans cette dystopie aux échos orwelliens que dépeint froidement James Ponsoldt (The Spectacular Now, The End of the Tour), comme cette façon de rappeler avec insistance que le travail de 9 à 5 est un concept quasi archaïque alors que la jeune héroïne est contrainte par ses collègues de participer à différentes activités liées au travail et de nourrir ceux-ci en informations personnelles via les réseaux sociaux. Tant de porosité entre la vie privée et la vie professionnelle n’est pas sans inquiéter quiconque aime bien cultiver son jardin secret. Avions-nous cependant besoin d’Eggers et Ponsoldt pour y songer ?
S’il donne froid dans le dos, à l’instar de la brillante série Black Mirror, laquelle provoque l’angoisse avec ses revirements cruels d’une logique implacable, ce thriller, qui accuse quelques baisses de régime, entraîne le spectateur bien sagement du point A au point B. Alors que les messages d’internautes «poppent» au gré des déplacements de Mae, donnant au tout des airs de déjà-vu, Le Cercle se mue au dernier acte en une leçon de morale sous forme de vengeance qui enlève tout mordant à l’ensemble.
V.O. : Cinéma Banque Scotia, Place LaSalle, Cavendish, Colisée Kirkland, Côte-des-Neiges, Lacordaire, Des Sources, Spheretech, Marché Central. V.F.: Quartier latin, Place LaSalle, StarCité, Lacordaire, Marché Central.