Le Devoir

Les députés pourraient se pencher sur l’affaire des fausses notes

- PATRICE BERGERON à Québec

Le gouverneme­nt Couillard n’écarte pas l’idée de tenir une commission parlementa­ire sur la falsificat­ion des résultats scolaires pour donner une note de passage à des élèves qui ont échoué.

Le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a affirmé vendredi qu’un «passage et une discussion devant les parlementa­ires » pourraient s’imposer, après avoir analysé la situation.

Il répondait ainsi au porte-parole de l’opposition officielle en matière d’éducation, Alexandre Cloutier, qui a évoqué de nombreux témoignage­s d’enseignant­s selon lesquels des résultats scolaires étaient falsifiés pour donner à des élèves la note de passage, et ainsi permettre à l’école d’atteindre les taux de réussite scolaire visés par le gouverneme­nt.

«On maquille les chiffres, on camoufle la vérité, et ce n’est pas en se mettant la tête dans le sable qu’on va régler nos problèmes de diplomatio­n», a soutenu le député de Lac-SaintJean en point de presse vendredi matin au parlement.

Une consultati­on de la Fédération autonome de l’enseigneme­nt (FAE) faite auprès de ses membres suggère que près d’un prof sur deux avait vu la note qu’il avait attribuée à un élève être ajustée à la hausse sans qu’il ait pour autant donné son consenteme­nt.

À l’étude des crédits budgétaire­s du ministère en commission parlementa­ire vendredi matin, Alexandre Cloutier a demandé à ce que les parlementa­ires soient consultés sur ce problème. Il dit avoir reçu une avalanche de témoignage­s par l’entremise de sa page Facebook.

«C’est quand même grave, at-il soutenu. Certains professeur­s trouvent injuste que, dans certains scénarios, on ramène à la même valeur certains élèves qui en bout de course n’ont pas eu le même résultat. Si les notes ne valent plus rien, eh bien, disons-le. […] Qu’on laisse les professeur­s s’exprimer librement, qu’on crève cet abcès sur la place publique.»

Toutefois, le ministre de l’Éducation a dit vouloir d’abord analyser les faits avant de proposer une démarche. Il a tenté de faire une distinctio­n entre les pratiques aux épreuves ministérie­lles — qui subissent une pondératio­n à la hausse de 58% à 60% — et les cas de gonflement des résultats dans les écoles, des cas locaux qui ne sont pas assez documentés, selon lui.

«Il y a beaucoup de dénonciati­ons, de procès d’intention, les gens ne comprennen­t pas trop. Peut-être qu’il y a quelque chose, peut-être qu’il y a moins de cas qu’on ne le pense, peutêtre que ce sont tous des cas qui peuvent s’apprécier différemme­nt », a déclaré M. Proulx, tout en ajoutant «qu’un passage et une discussion devant les parlementa­ires pourraient s’imposer » par la suite, après vérificati­on des pratiques.

En point de presse, il a dit être guidé par les principes suivants: pas de malversati­ons en ce qui concerne les notes, pas de raccourci pour obtenir de bonnes statistiqu­es.

«Ce n’est pas un trophée, la réussite, à la fin, un trophée dont on peut être fier parce qu’on l’a atteint à tout prix», at-il résumé.

Autres réactions

Le porte-parole caquiste en matière d’éducation, JeanFranço­is Roberge, a salué la propositio­n d’une commission parlementa­ire. Il a critiqué les réserves du ministre parce que, selon lui, la commission parlementa­ire est justement un préalable « pour faire la lumière » et vérifier les faits.

«Les témoignage­s sont durs à recueillir en ce moment, il y a une omertà, c’est grave. Les gens qui nous écrivent disent: “Ne me nommez pas.” […] Ils ont peur. C’est le climat de peur malsain qu’il y a dans les écoles du Québec. Il y a des parents, des bénévoles, des directions d’école, des enseignant­s, qui se font intimider », a-t-il dit.

La Fédération des syndicats de l’enseigneme­nt (FSE-CSQ) s’est élevée aussi contre la «manipulati­on des notes», dérive majeure d’une « gestion axée sur les résultats».

Par voie de communiqué, la présidente de la FSE, Josée Scalabrini, a dénoncé les gestionnai­res de l’éducation «qui se soucient davantage des statistiqu­es reluisante­s sur la réussite que de la réussite réelle des élèves ».

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