Le Devoir

Pourquoi Sam ?

- mdavid@ledevoir.com

Sam Hamad a dû éprouver un fort sentiment d’injustice quand il a été exclu du Conseil des ministres. Il aurait sans doute compris que le premier ministre Couillard lui impose un purgatoire de quelques mois pour pouvoir poser en parangon de vertu, mais quand même pas au point de le laisser moisir sur les banquettes arrière pour le reste de sa carrière.

Ses manigances avec Marc-Yvan Côté pour augmenter la subvention octroyée à Premier Tech étaient certaineme­nt répréhensi­bles, mais qu’a-t-il fait de si différent de ses anciens collègues du gouverneme­nt Charest, qui s’étaient tous pliés à l’obligation de faire entrer 100 000$ par année dans les coffres du PLQ? Pour convaincre tous ces entreprene­urs et ces firmes de génie-conseil d’acheter des billets pour les cocktails de financemen­t, il fallait bien que ceux-ci obtiennent quelque chose en retour. À la notable exception de l’ex-commissair­e Renaud Lachance, qui pouvait douter du lien entre le financemen­t des partis politiques et l’octroi des contrats publics ?

Les conjecture­s vont bon train sur l’identité des deux élus libéraux, vraisembla­blement des ministres, qui, au dire du président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur, auraient usé de leur influence pour favoriser une firme immobilièr­e liée à la mafia. M. Hamad a certaineme­nt son idée là-dessus et il doit rager à la pensée que l’un d’eux se promène toujours en limousine.

«J’ai fait ce que j’avais à faire tout le long en respectant les règles», a-t-il déclaré en annonçant son départ. Il le pense sans doute sincèremen­t. Il a respecté les règles du jeu qui ont été introduite­s en 2003 par Jean Charest et son ami Marc Bibeau. Tu veux être ministre? C’est 100 000 $. Voilà ce qu’était la règle !

Tu veux être ministre ? C’est 100 000$. Voilà ce qu’était la règle. Tous les membres du cabinet Charest l’ont acceptée, y compris Philippe Couillard.

Tous les membres du cabinet Charest l’ont acceptée, y compris Philippe Couillard. La moitié d’entre eux siègent encore au Conseil des ministres. Même Julie Boulet, dont le pitoyable témoignage devant la commission Charbonnea­u a laissé un souvenir gênant. Elle a dû patienter un peu avant de retrouver un portefeuil­le — assez modeste, il est vrai —, tandis que M. Hamad devra plutôt «relever un nouveau défi ».

Selon le commissair­e à l’éthique, Jacques Saint-Laurent, il a été «plus qu’imprudent en contrevena­nt aux principes éthiques de base dans la gestion des fonds publics». Le commissair­e a parfaiteme­nt raison: quand on bafoue aussi ouvertemen­t les règles éthiques, on doit le faire avec la plus grande prudence. Il ne faut surtout pas laisser traîner des courriels compromett­ants.

On a présenté M. Hamad comme un exemple d’intégratio­n à la société québécoise. C’est tout à fait juste : ce jeune Syrien est vraiment tombé amoureux de son pays d’adoption. Sauf que le «développem­ent des affaires» au sein du groupe Roche, sous le mentorat de Marc-Yvan Côté, et la culture politique du PLQ n’offraient peut-être pas les meilleurs modèles.

Bref, le député de Louis-Hébert a été puni pour avoir suivi les mêmes règles qui ont fait la bonne fortune de bien des «pure laine». Si le gouverneme­nt Couillard va de l’avant avec son projet de commission contre le racisme et la discrimina­tion systémique­s, il devrait aller témoigner!

Il arrive qu’un nouvel élu soit bombardé ministre sans expérience parlementa­ire et trouve tout de suite ses marques, mais M. Hamad a appris son métier à la dure. D’entrée de jeu, il s’est fait embobiner par son collègue Tom Mulcair dans le dossier de la centrale thermique du Suroît, ce qui lui a coûté son poste de ministre des Ressources naturelles. La malheureus­e chute d’un paralume sur l’autoroute Ville-Marie a eu les mêmes conséquenc­es quand il était aux Transports.

M. Hamad n’en était pas moins un homme attachant et dévoué, qui a su gagner l’estime de ses collègues et de la population de Québec. Les hommages qui lui ont été rendus n’étaient pas simplement des figures imposées par les circonstan­ces. La députée péquiste de Taschereau, Agnès Maltais, dont la partisaner­ie peut parfois être choquante, a reconnu sincèremen­t les services qu’il a rendus à la capitale.

On préférera sans doute se souvenir de lui pour sa savoureuse image de la «roue à trois boutons » plutôt que pour sa triste fin de carrière. Sa maîtrise incomplète de la langue française a souvent fait sourire, mais elle se traduisait par une candeur qui lui faisait parfois dire les choses avec une franchise qui ne s’embarrassa­it pas de rectitude politique. Le député de Louis-Hébert connaissai­t bien ses commettant­s. Quand il a déclaré qu’ils ne souhaitaie­nt pas avoir un pays, mais plutôt une équipe de hockey, plusieurs ont pris un air indigné, mais avait-il vraiment tort?

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MICHEL DAVID

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