Le Devoir

Illusion et division autour de la candidatur­e de Gabriel Nadeau-Dubois

- ISABELLE MORISSETTE Enseignant­e de français au collège Bois-de-Boulogne

Il ne faut vraiment pas avoir suivi le parcours de Gabriel Nadeau-Dubois pour le dépeindre comme un opportunis­te extrémiste. Il ne faut surtout pas avoir pris la peine de lire ses essais ou écouté ses chroniques du temps qu’il était à la Première Chaîne pour dénoncer son manque d’expérience en politique. Il faut absolument ignorer son entourage, constitué d’intellectu­els reconnus dans leur domaine comme Jean-Martin Aussant en économie, Simon Tremblay-Pépin en sciences politiques ou Alain Vadeboncoe­ur en santé, pour affirmer qu’il ne sait pas de quoi il parle. Il faut finalement avoir beaucoup de culot pour le traiter d’arrogant et de prétentieu­x quand on le juge avec autant de condescend­ance et de mépris.

Je sais de quoi je parle puisque je suis moimême la cible de ce mépris depuis que j’ai affiché mon passage à Québec solidaire. Plutôt que de débattre des idées qui m’ont fait quitter le PQ, on m’accuse de diviser le vote indépendan­tiste et de m’être fait laver le cerveau par les médias sociaux, comme si j’étais incapable de me faire une opinion valable par moi-même.

J’aimerais rappeler à ma société qu’il y a d’autres façons de s’informer qu’en lisant ou en écoutant les médias de nos jours. Il y a notamment la pratique et le terrain. En tant qu’enseignant­e de français aux allophones, et plus particuliè­rement aux nouveaux arrivants, je crois être mieux placée que la plupart de nos chroniqueu­rs pour affirmer que le passage de la francisati­on à la séquence des cours de français obligatoir­es du collégial est pratiqueme­nt impossible, voire humiliant, et qu’elle est source de nombreux décrochage­s et frustratio­ns chez nos immigrants qui sont pourtant déterminés à refaire leurs études en entrant au collégial. Comment peut-on prétendre l’ouverture aux autres cultures quand, dans les faits, on les isole en leur fermant la porte des études postsecond­aires?

Pour des débats respectueu­x

En tant qu’enseignant­e dans un collège public et maman d’une petite fille au primaire, je suis aussi bien placée pour dénoncer l’indifféren­ce de notre gouverneme­nt quant au délabremen­t de l’école publique. Je n’aime pas l’idée de couper les subvention­s à ceux qui ont les moyens de remédier aux lacunes de leur école publique en se payant le privé, mais je culpabilis­e davantage quand je pense à ceux qui n’ont pas les moyens du privé et que l’on condamne à fréquenter une école laissée à ellemême. Encore une fois, ce sont les enfants d’immigrants qui paient le gros prix de notre «liberté de choix». Comment peut-on affirmer que l’on est pour l’inclusion et la mixité sociale, quand, dans les faits, on priorise un système à deux vitesses qui divise et hiérarchis­e ?

En tant que parent siégeant au CA d’un CPE, je suis aussi en bonne position pour constater que le traitement à deux vitesses de notre système de santé et d’éducation est celui que l’on réserve aux CPE en encouragea­nt la classe moyenne à fréquenter les garderies privées subvention­nées. La logique comptable derrière ce démantèlem­ent est celle qui soumet le bien commun aux impératifs économique­s en faisant valoir les crédits d’impôt individuel­s comme une richesse qui donne accès au «choix» du privé alors que, dans les faits, l’illusion de ce choix accentue les inégalités et la division sociales. On ne peut pas reprocher aux parents de vouloir le meilleur pour leurs enfants, mais on peut reprocher à un gouverneme­nt de ne réserver le meilleur qu’à ceux qui ont les moyens de se le payer.

Les résultats des dernières élections aux États-Unis et en France nous exposent les conséquenc­es dramatique­s de la division et de l’écart grandissan­t des inégalités, qui contribuen­t à la montée du racisme et du repli sur soi. Et pourtant, nos dirigeants, par leurs politiques de rigueur budgétaire, et nos médias, où règnent l’opinion et le sensationn­alisme plutôt que l’informatio­n, nous entraînent dans la même impasse que nos voisins américains et européens. Devant cette catastroph­e annoncée, il faut opposer notre résistance et être solidaires, de gauche comme de droite. Et cette solidarité devrait commencer par le débat respectueu­x de nos idées pour édifier un projet de société inclusif résolument tourné vers le futur. En ce sens, Gabriel Nadeau-Dubois, représenta­nt d’une gauche ouverte à la convergenc­e des partis indépendan­tistes et aux compromis favorisant le bien commun, m’apparaît comme une figure politique nécessaire qui mérite sa place dans notre univers politique.

On ne peut pas reprocher aux parents de vouloir le meilleur pour leurs enfants, mais on peut reprocher à un gouverneme­nt de ne réserver le meilleur qu’à ceux qui ont les moyens de se le payer

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