La voiture autonome du savoir québécois
LeddarTech développe une technologie de détection très prisée par les manufacturiers
Le Québec regorge d’entrepreneurs passionnés qui tentent de mettre à profit une idée ou un concept novateur. Chaque semaine, Le Devoir vous emmène à la rencontre de gens visionnaires, dont les ambitions pourraient transformer votre quotidien. Aujourd’hui, un entrepreneur en série qui participe à la révolution de la voiture autonome.
La question n’est plus de savoir si, mais plutôt quand les voitures autonomes feront leur apparition sur nos routes, lance avec assurance Charles Boulanger, cet ingénieur de formation à l’enthousiasme contagieux. Et lorsque ce sera le cas, le Québec pourrait discrètement contribuer au transport de millions de passagers.
Établie dans la Vieille Capitale, son entreprise, LeddarTech, multiplie depuis quelques mois les échanges avec des manufacturiers et des fournisseurs du secteur automobile pour intégrer sa technologie de détection LiDAR dans les véhicules de demain.
« Les analystes prévoient que le LiDAR [pour «light detection and ranging»] va représenter la plus grosse part du marché dans le développement de la voiture autonome parce que c’est
une composante essentielle. On parle d’environ 100 milliards de dollars sur un marché total de 300 milliards », affirme-t-il.
M. Boulanger est président-directeur général de LeddarTech, mais il ne tient pas le gouvernail depuis le début. L’histoire de cette entreprise aux grandes ambitions débute au début des années 2000, grâce aux travaux menés par l’Institut national d’optique de Québec sur le LiDAR, ce système qui permet de détecter la présence d’un objet et d’en mesurer la distance grâce à des ondes lumineuses.
En 2007, trois partenaires rachètent les brevets du centre de recherche et fondent LeddarTech. Ils misent sur une technologie LiDAR novatrice, qui permet de numériser le signal lumineux pour ensuite faciliter son analyse à l’aide d’algorithmes.
La polyvalence de leur produit leur ouvre les portes de plusieurs marchés: l’évitement de collision de véhicules industriels ou de drones, les systèmes de péage automatisé ou encore la détection de mesures de liquide dans des installations industrielles.
Changement de cap
Lorsque Charles Boulanger arrive à la tête de LeddarTech en 2013, il cumule déjà près de 30 ans d’expérience dans des fonctions de haute direction, dans les secteurs privé et public. En l’espace de quelques mois, il fait pivoter l’entreprise en laissant de côté la vente de produits clés en main pour investir dans le développement d’une plateforme technologique «modulable», que les acheteurs pourraient adapter à leurs besoins.
Aujourd’hui, l’entreprise n’a pas complètement délaissé les secteurs qu’elle dessert depuis des années, mais elle consacre l’essentiel de ses énergies à la voiture autonome. Dissimulés à différents endroits sur un véhicule, ses capteurs permettent de détecter un piéton qui traverse
la rue, un cône laissé sur la chaussée ou une voiture qui arrive à contresens.
«On s’est dit que l’industrie de l’automobile a le volume nécessaire pour rentabiliser notre investissement, souligne M. Boulanger. Les revenus qu’on va générer dans ce secteur sont phénoménaux. Il y a énormément de demandes pour de la technologie, mais peu d’of fres. »
Moins coûteux
L’entreprise fait valoir que sa technologie sera indispensable à la commercialisation d’une voiture entièrement autonome, puisqu’elle s’ajoutera aux systèmes existants afin d’accroître la sécurité. «Le LiDAR amène un niveau de précision et de certitude qu’on ne retrouve pas avec les radars», résume M. Boulanger.
À l’heure actuelle, les voitures testées par les géants comme Google ou Uber sont reconnaissables par leurs systèmes de détection placés sur le toit. Cet équipement est encombrant, sensible aux vibrations et surtout beaucoup trop dispendieux pour permettre une démocratisation de la technologie, affirme le patron.
La technologie peut coûter jusqu’à 30 000$, voire plus, alors que la solution de LeddarTech devrait se détailler à environ 100 $ l’unité. Un avantage compétitif que l’entreprise veut exploiter au maximum. «On ne peut pas attendre que l’industrie lève. C’est maintenant qu’il faut se positionner », insiste Charles Boulanger.
Tests à venir
L’entreprise québécoise a fait un premier pas important en concluant en 2014 une entente avec Valeo, l’équipementier automobile français qui se dit partenaire de tous les constructeurs dans le monde.
Elle en franchira sans doute d’autres prochainement, puisqu’elle devrait s’entendre bientôt avec quatre manufacturiers pour effectuer des tests avec des véhicules équipés de ses capteurs cet été. Des projets de développement devraient suivre au cours de l’automne.
Le nom de la compagnie n’apparaîtra sans doute pas sur le véhicule, mais si tout se déroule comme prévu, vous pourriez acheter une voiture équipée de la technologie de LeddarTech à partir de 2020.