Le Devoir

L’UPA sur la défensive

Le syndicat agricole pourrait participer à la création d’une fiducie dont le modèle d’affaires se rapproche de celui de Pangea

- KARL RETTINO-PARAZELLI

L’Union des producteur­s agricoles (UPA) s’est retrouvée sur la défensive vendredi pour sa possible implicatio­n dans une fiducie agricole qui achèterait des terres pour les louer à des agriculteu­rs. Il y a quelques jours, elle dénonçait pourtant avec vigueur l’investisse­ment de la Caisse de dépôt et du Fonds de solidarité FTQ dans l’entreprise Pangea, dont le modèle d’affaires est semblable.

S’appuyant sur un document de travail daté de septembre dernier, La Presse a rapporté vendredi que Fondaction, le fonds de développem­ent de la CSN, a proposé un nouveau modèle à l’UPA pour financer l’achat de terres agricoles.

Un autre document de travail daté de mai 2016, dont Le Devoir a obtenu copie, confirme que de hauts dirigeants de Fondaction et de l’UPA ont évalué la possibilit­é de mettre sur pied une fiducie agricole de 25 millions de dollars, financée à 35 % par le fonds de la CSN et à 65% par des créanciers, pour acheter entre 30 et 50 fermes sur 4 ans. L’UPA n’injecterai­t pas nécessaire­ment d’argent, mais elle pourrait aider à mobiliser le secteur agricole autour de ce projet.

L’un des scénarios envisagés ferait en sorte que la fiducie achèterait des terres, pour ensuite les louer à des entreprise­s agricoles «à perpétuité» ou pour une durée de 25 ans. Dans ce dernier cas, les agriculteu­rs auraient la possibilit­é d’acquérir la terre à partir de la 26e année.

Projet «différent»

Ce projet de fiducie, qui fait toujours l’objet de discussion­s entre Fondaction et l’UPA, se rapproche du modèle de Pangea, qui achète des terres agricoles et s’associe ensuite à des agriculteu­rs pour assurer la production de grandes cultures céréalière­s.

«C’est très différent, rétorque le directeur général

« C’est très différent. Le projet de Fondaction a une vocation sociale. Charles-Félix Ross, directeur général de l’UPA

de l’UPA, Charles-Félix Ross. Le projet de Fondaction a une vocation sociale. »

Il explique que la fiducie comprendra­it plusieurs cautions judiciaire­s permettant de préserver la vocation des terres agricoles, de les mettre à l’abri de la spéculatio­n et d’offrir la possibilit­é aux jeunes agriculteu­rs de se lancer dans la production de leur choix.

«Je ne dis pas que c’est parfait, ajoute-t-il.

Nous sommes à la recherche d’une solution autre que le modèle hypercapit­aliste basé sur la spéculatio­n. On cherche un modèle qui serait acceptable d’un point de vue social et notre première option, c’est que le gouverneme­nt intervienn­e.»

L’UPA souhaite par exemple que Québec bonifie les aides à la relève agricole et qu’il limite à 100 hectares par année la superficie que toute personne peut acquérir. Le cabinet du ministre de l’Agricultur­e, Laurent Lessard, n’avait pas répondu à nos questions au moment d’écrire ces lignes.

M. Ross indique que Fondaction a présenté son projet de fiducie l’été dernier, mais que l’idée a rapidement été mise sur la glace. Les discussion­s ont repris récemment, lorsque l’UPA a eu vent que Pangea recevrait 20 millions de la part de la Caisse et du Fonds FTQ.

Du côté du Fondaction, le porte-parole Julien Lampron soutient que rien n’est arrêté pour le moment. «On ne sait pas encore quelle forme ça va prendre. On est vraiment à un stade de projet.»

Il précise que le projet a évolué depuis les discussion­s de l’été 2016. «On est ailleurs», affirme-t-il, sans en dire plus.

Questionné à ce sujet, M. Ross, de l’UPA, répond que les objectifs de l’initiative et le principe de location de terres à des agriculteu­rs demeurent intacts.

Le directeur général de Pangea, Serge Fortin, juge «surprenant» que l’UPA s’intéresse à un modèle qui s’apparente à celui qu’elle dénonçait la semaine dernière.

Cela dit, il ne voit pas la création d’une nouvelle fiducie agricole d’un mauvais oeil. «Tout modèle qui amène de l’argent pour l’agricultur­e en région est bienvenu», dit-il.

M. Fortin fait cependant valoir que le modèle Pangea est plus complet, puisqu’il inclut un accompagne­ment pour les opérations agricoles.

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